La fin de l’année sera chaude du côté des taxes et des lobbys, avec les futurs Etats généraux de la création annoncés par le gouvernement, qui doivent aborder l’après-Hadopi. D’un côté la Sacem et une partie de l’industrie du disque et du cinéma réclame déjà une taxe sur les FAI, sans contrepartie, pour compenser les pertes liées au piratage – il se murmure même que certains fournisseurs d’accès ont déjà dans leur carton des offres illimitées propriétaires qu’ils entendent lier aux abonnements dès cette année. De l’autre, des associations de consommateurs, d’internautes et de cinéastes indépendants demandent une taxe obligatoire sur les FAI qui autoriserait cette fois les échanges d’œuvres, quel que soit le moyen utilisé par les internautes.
La Quadrature du Net, le Samup, l’UFC-Que Choisir et le collectif Pour Le Cinéma (de Juan Paulo Branco Lopez) proposent ainsi, avec leur plateforme Création Public Internet, « un financement mutualisé adossé à une licence collective autorisant les échanges des œuvres numériques entre individus« . Le but étant de parvenir à « l’élaboration d’un modèle de diffusion des œuvres qui assure à la fois un accès pour tous à une culture diverse et un financement équitable pour les artistes/créateurs« .
La proposition, disponible sur le site de Création Public Internet (CPI), sera débattue lors des assises de la création qui seront organisés (en marge des Etats généraux) avant la fin de l’année. Proche de la licence globale proposée en 2005 lors de la loi DADVSI, la proposition est pour le moment floue. Elle se veut ouverte aux discussions et aux améliorations suggérées par tous les intervenants qui souhaiteraient se joindre au débat. L’idée n’étant pas de brutaliser d’entrée les ayants droit qui trouveraient tel ou tel point de désaccord et refuseraient d’emblée de discuter plus précisément du projet.
Le postulat de base est déjà suffisamment clivant pour éloigner tout Pascal Nègre en puissance. « Nous proposons un droit au partage de fichiers, hors marché, accordé au consommateur« , explique ainsi le collectif. « Pour bénéficier de ce droit le consommateur doit s’acquitter d’une contribution financière chaque mois« . Le montant, qui sera à déterminer, est évalué pour le moment autour de 5 euros par mois. Comme l’envisageait la licence globale façon 2005, elle doit être obligatoire et non optionnelle, comme le proposait plus récemment la « contribution créative » des députés socialistes. Tous les internautes doivent la payer, quel que soit leur usage de leur ligne à Internet.
« Pour que le produit de cette contribution soit prévisible et acceptable par le monde de la création, elle doit être obligatoire. Pour qu’elle soit acceptable pour les consommateurs, son niveau doit être raisonnable« , résument en effet les membres de la plateforme.
Une proposition ? Non, un casse-tête
Avec 5 euros par mois et sur la base du nombre d’abonnés à Internet actuels, c’est 1,2 milliards d’euros qui pourraient être collectés chaque année. Une somme très importante si on la compare aux 240 milions d’euros que rapporte actuellement la gestion collective sur les ventes de musique aux usagers finaux, qui seront par définition les plus impactées par une licence globale. Mais il faudra aussi compenser, a minima, les échanges d’œuvres cinématographiques.
La somme serait prélevée par les FAI, mais apparaîtrait de manière distincte sur la factures du consommateur, « pour que ce dernier ait conscience qu’il y a une contrepartie à ce nouveau droit, et que les œuvres de l’esprit ne sont pas gratuites« . Et pour les FAI, « ce mécanisme évite de polluer la stratégie prix des opérateurs, d’introduire une opacité tarifaire ou des distorsions concurrentielles« .
Une fois collectée, la somme serait répartie selon des clés encore très imprécises. « Faut-il suivre les modèles utilisés pour la copie privée avec, par exemple, un partage en 3 pour la musique, 1/3 pour les droits voisins des producteurs, 1/3 pour les artistes-interprètes ?« , demande la plateforme CPI. « Comment identifier et comptabiliser les œuvres téléchargées pour assurer une redistribution des revenus qui soit la plus juste et la plus équitable possible ?« , « Comment rémunérer en fonction d’un usage donné ?« , et comment respecter l’esprit de la chronologie des médias, perçue comme indispensable par le milieu cinématographique.
Les questions restent nombreuses, et extrêmement sensibles. Pour le moment, personne n’a osé ouvrir le dossier, en restant cantonné à une opposition doctrinale contre le principe-même de la licence globale. Réussir à provoquer une discussion constructive serait un exploit en soi.
Résoudre le casse-tête serait un miracle.
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