Amazon a supprimé des centaines de livres achetés légalement sur son site. À l’origine de cette décision se trouve le revirement de l’éditeur, MobileReference, qui a changé d’avis sur les versions électroniques de certains romans. Cette mesure inattendue n’incitera certainement pas les internautes à se porter massivement vers les offres légales si les éditeurs peuvent ordonner la suppression des contenus achetés légalement.

Mise à jour : Amazon aurait supprimé d’autres livres achetés récemment sur le Kindle. Des consommateurs ont ainsi rapporté la disparition des versions numériques d’Harry Potter et des romans d’Ayn Rand.

Les conditions d’utilisation d’Amazon ne mentionnent apparemment pas le droit de supprimer un bien après achat. En revanche, Amazon indique garantir aux consommateurs le droit de garder « une copie permanente du contenu numérique ».

Voilà une affaire qui risque de jeter véritablement le trouble sur l’intérêt pour un consommateur lambda d’acquérir un contenu légalement. David Poque, chroniqueur au New York Times, a révélé sur son blog qu’Amazon a détruit sciemment des centaines de livres achetés légalement sur le site marchand. Une décision pour le moins étrange puisque Amazon commercialise justement un lecteur de livres électroniques, le Kindle.

Selon David Poque, ce n’est pas Amazon qui est à l’origine de cette décision, mais l’éditeur lui-même. Ce dernier aurait fait volte-face en refusant finalement de voir certains titres de son catalogue exister en version électronique. Le comble de l’histoire ? Les deux romans retirés de la boutique en ligne et effacés de tous les Kindle sont… signés George Orwell ! Il s’agit de « La Ferme des Animaux » et de « 1984 », les deux œuvres majeures de l’écrivain anglais. Evidemment, ceux qui ont lu les deux romans saisissent toute l’ironie de l’histoire…

Le plus dérangeant dans cette étonnante mésaventure, ce n’est pas tant que l’éditeur change d’avis et demande au site marchand de retirer les éditions électroniques. Cette décision peut éventuellement se justifier par diverses raisons. En revanche, ce qui est vraiment problématique, c’est bien la suppression unilatérale des contenus achetés légalement.

Bien entendu, Amazon a remboursé les personnes lésées et assure que cet épisode est absolument exceptionnel. Sans doute l’entreprise ne pouvait-elle pas faire autrement, puisqu’elle est bien obligée de s’en remettre au bon vouloir des différents éditeurs si elle veut continuer son commerce. Mais quel est désormais l’intérêt d’acheter une œuvre légalement sur une plate-forme spécifique si c’est pour avoir en permanence une épée de Damoclès au-dessus de la tête ? Quel est l’intérêt d’acheter légalement un contenu si du jour au lendemain un ayant-droit décide non seulement de le retirer des plate-formes de téléchargement, mais en plus demande la suppression totale des fichiers déjà téléchargés ?

« À quand le livre qui s’auto-détruit à sa lecture ? » demandait il y a quelques jours un auditeur de BFM Radio lors du face-à-face entre Lionel Tardy et Franck Riester à propos de la nouvelle mouture d’Hadopi. Cette histoire vient de nous en donner un aperçu pour le moins effrayant. Et encore, il n’est même pas certain que tous les internautes qui ont acheté La Ferme des Animaux ou 1984 aient eu le temps de le terminer. La frustration doit être grande, inévitablement.

Malheureusement pour les ayants-droits, avec cette histoire surréaliste non seulement les internautes ne risquent pas de se porter massivement vers les offres légales, mais en plus cela va très certainement les inciter à y réfléchir à deux fois avant d’abandonner le bon vieux papier. En effet, si les internautes ne peuvent avoir la certitude de posséder un bien acheté, ils ne vont certainement pas de se rendre sur les plate-formes légales, quand bien même ces dernières afficheraient un catalogue exceptionnellement riche.

Selon un porte-parole d’Amazon, la suppression des romans était une mauvaise idée. Drew Herdener a expliqué que la société allait modifier leurs systèmes pour que ces désagréments ne surviennent plus. Toujours selon le porte-parole, le souci viendrait également d’un problème de droits d’auteur. En effet, le roman a été ajouté par une société qui ne détenait pas les droits pour le faire.

Il faut cependant relever que ces différents livres ne sont pas encore dans le domaine public, du moins aux Etats-Unis (la licence dure jusqu’en 2044), contrairement au Canada, à la Russie ou encore à l’Australie. Or, le Kindle n’est pour l’instant destiné qu’au marché américain.

Inévitablement, ce souci pose le problème différentes problématiques sous-jacentes, comme l’obligation de passer par un seul et unique fournisseur de contenus. L’AppStore d’Apple en est un exemple, puisqu’il est le seul fournisseur officiel des appareils de la marque à la pomme (iPhone, iPod…). De plus, cela entraine aussi des questions sur les verrous numériques et sur l’importance des formats ouverts et standardisés.

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