Cette année 2009 aura eu un goût amer pour les internautes. En quelques mois, le gouvernement aura réussi à s’aliéner toute une frange de la population en s’entêtant dans la voie du filtrage sur Internet et de la traque automatique et massive des téléchargeurs. Il y aura eu d’abord la loi Hadopi première du nom, qui fut presque entièrement vidée de sa substance par le Conseil constitutionnel cet été.
Blessé dans son orgueil, le gouvernement façonna rapidement une nouvelle mouture de la loi, Hadopi 2, qui devait cette fois correspondre aux exigences de l’organe chargé de veiller sur la Constitution française. Choisissant vraisemblablement de ne pas tomber dans une crise politique majeure avec l’exécutif, les Sages décidèrent de ne censurer qu’un seul point des dispositions de cette nouvelle loi, qui permettait au juge de statuer par ordonnance pénale sur la demande de dommages et intérêts.
Maintenant que le décor est en place, tout semble donc d’équerre pour lancer la machine répressive à l’assaut des pauvres internautes suspectés d’échanger illégalement du contenu protégé par le droit d’auteur. Devant l’effort du gouvernement à faire passer ce dispositif, nous devrions donc nous attendre à une pluie de mails d’avertissement. Or, dans les faits qu’en sera-t-il ? Car selon une étude menée par Sandvine, les tendances 2009 des usages Internet tendent à montrer que tout cela… n’aura finalement servi à rien.
Hadopi a été pensé et conçu pour le peer to peer. Sauf que désormais, les internautes consomment autrement. C’est ce que révèle le document présenté par Sandvine : il y a une profonde transformation dans les comportements des internautes. Profitant de la démocratisation du très haut-débit, ceux-ci s’inscrivent désormais dans une logique de l’expérimentation en temps réel, rejetant progressivement les applications ou les habitudes nécessitant d’attendre ou d’expérimenter plus tard. Comparé à l’année dernière, le trafic temps réel a tout simplement explosé : il représente 26,6 % de l’ensemble du trafic Internet, soit une augmentation de 12,6 % par rapport à 2008.
Ce bond a été rendu possible par la multiplication des sources de divertissement de ce genre, comme les services de streaming audio et vidéo, le peercasting ou le jeu vidéo en ligne. Selon Sandvine, la nature du trafic Internet continue de se transformer à mesure que les évolutions techniques avancent. Ainsi, entre 2008 et 2009, le divertissement en temps réel a vu son trafic quasiment doublé, tandis que le jeu en ligne a augmenté de plus de 50 % en un an.
L’hébergement et les services de sauvegarde en ligne (comme RapidShare ou MegaUpload) sont toujours aussi attractifs, devenant de véritables alternatives au peer to peer. Ces sites web sont mieux considérés par les internautes et deviennent de nouvelles sources d’approvisionnement. Il suffit d’ailleurs de voir le nombre de moteurs de recherche proposant de dénicher du contenu sur ce genre d’espaces.
Nous sommes donc à mi-chemin d’un changement profond dans le comportement des internautes. Le principe du « télécharger maintenant pour profiter plus tard » ne fait plus vraiment recette. Désormais, les octets qui arrivent chez l’abonné sont consommés « tels quels ». D’ailleurs, les deux tiers du trafic Internet en 2009 sont liés à ce phénomène, que ce soit la navigation Internet, le divertissement en temps réel (comme les services de streaming audio et vidéo), les applications de peercasting ou encore le jeu vidéo et la communication en ligne.
Inévitablement, le succès de ces applications se fait au détriment d’anciennes méthodes de téléchargement, plus traditionnelles, comme le P2P. Il y a encore un an ou deux, c’était le principal moyen pour télécharger des fichiers.
Si de plus en plus d’individus profitent des bienfaits du haut-débit, tous ne s’en servent pas de la même façon. Grossièrement, il y a deux catégories d’internautes. Les consommateurs effrénés et les approvisionneurs en contenu. Sandvine a constaté que l’écart entre ces deux usages est considérable. Pour un mois classique, le 1 % regroupant les internautes les plus actifs du web représente…. 25 % du trafic total !
Le clivage se creuse encore lorsqu’on se penche sur le flux ascendant (upstream) : cette fois, ce 1 % compte pour 40 % du trafic total d’Internet. En clair, un internaute « actif » qui met en ligne du contenu (légal ou illégal) génère 200 fois plus de trafic qu’un internaute moyen. Sur une échelle plus grande, les 20 % d’internautes les plus actifs génèrent 80 % du trafic total d’Internet
Alors que les réseaux peer to peer avaient encore la part belle en 2007 ou en 2008, leur part sur le trafic global s’est brusquement effondré en quelques mois. En effet, les continents arrivés à une certaine maturité s’intéressent davantage aux applications interactives, délaissant progressivement BitTorrent et compagnie, moins attractifs. En revanche, les zones émergentes sont toujours dans une sorte de phase de transition. L’Afrique et l’Amérique Latine voient l’usage du P2P se maintenir au dessus de la barre des 33 %, tandis qu’aux Etats-Unis et en Asie, la part est sous les 20 et 10 % respectivement.
Globalement, c’est le réseau BitTorrent qui domine l’univers du peer to peer. Cependant, des particularités régionales subsistent. L’exemple le plus parlant est le l’application Ares qui est très populaire en Amérique Latine et dans les Caraïbes.
Le cas de l’Europe est assez intéressant, puisque le continent est à la croisée des chemins. Le peer to peer, le divertissement en temps réel et la navigation Internet semblent être en compétition pour remporter le leadership. Cette situation est principalement causée par la disparité entre les différents réseaux haut-débit de chaque pays.
Les moyens de répression déployés par le gouvernement feront vraisemblablement des victimes, mais ne devraient sans doute pas avoir l’effet escompté. Ils ont été calibrés spécialement pour le peer to peer, or l’usage de BitTorrent, Emule et consorts ne cesse de diminuer au profit de solutions plus rapides et plus directes.
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