Comme chaque année, le Crédoc (Centre de Recherche pour l’Etude et l’Observation des Conditions de Vie) publie un rapport à la demande de l’ARCEP et du CGIET. Pour 2009, le document souligne une baisse notable du téléchargement de contenus. Doit-on comprendre que la loi Hadopi enregistre son premier succès ? Ou est-ce le signe d’une évolution des usages ?

Les internautes français abandonneraient-ils progressivement le téléchargement de contenus ? C’est ce que laisse entendre une étude du Crédoc (.pdf) sur « la diffusion des TIC dans la société française« . Réalisé à la demande de l’autorité des télécoms et du CGIET (Conseil Général de l’Industrie, de l’Energie et des Technologies), le document explique que le téléchargement de contenus, après une constante hausse, serait en net recul.

« Après avoir régulièrement progressé, le téléchargement de musique semble, en 2009, légèrement marquer le pas : 22 % de la population sont concernés (un peu moins de 12 millions d’individus), contre 24 % l’an dernier. On est revenu au chiffre de 2007. S’agissant des seuls internautes, le recul est plus net encore : 31 % d’entre eux disent avoir téléchargé de la musique au cours des douze derniers mois, soit la proportion déclarée en 2006 » détaille ainsi le rapport.

Selon le Centre de Recherche pour l’Etude et l’Observation des Conditions de Vie, même la tranche d’âge 18 – 24 ans est concernée par ce recul. Comparé à l’an dernier, la proportion des internautes férus de téléchargement est tombé de 59 à 53 % pour la musique, 47 à 36 % pour les films et 56 à 50 % pour les logiciels. Néanmoins, le Crédoc, qui a questionné près de 2 200 internautes pour mener à bien cette étude, n’a pas réellement creusé la question du téléchargement. D’ailleurs, duquel parle-t-on ? De l’illégal ou du légal ? Des plates-formes de téléchargement autorisées ou des réseaux peer-to-peer ? Sur ce point, le Crédoc reste silencieux.

Nul doute que cette étude, qui tombe quelques mois après le vote de la loi relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet (Hadopi 2), fera le bonheur des partisans de la riposte graduée. Cependant, s’il est certain que les artisans de ces différents projets de loi utiliseront avec escient cette étude pour souligner les premiers effets « bénéfiques » d’Hadopi, il faut rester prudent sur les conclusions d’un tel document.

Premièrement parce que la question posée aux internautes évoque le téléchargement dans son ensemble et ne fait jamais le distinguo entre piratage et achat de contenus numériques. Comme nous l’écrivions ci-dessus, le Crédoc ne différencie pas le téléchargement légal ou illégal. Dès lors, il est difficile de démêler le vrai du faux. Car si le téléchargement légal a quelques difficultés pour enfin décoller en France, la pratique du piratage est tellement vaste qu’il est difficile de la quantifier : réseaux peer-to-peer, téléchargements directs ou tout simplement l’échange physique sont autant de moyens pour s’échanger des contenus, qu’ils soient protégés par le droit d’auteur ou non.

Deuxièmement parce qu’avec la saga Hadopi cette année, les sondés ont peut-être souhaité afficher un profil bas et ne pas se faire cataloguer de piratage. D’ailleurs, le document l’indique bien dans son étude : « eu égard aux tumultueux débats relatifs à la loi Création et Internet (dite également loi Hadopi), dont les médias se sont largement fait l’écho, il est difficile de dire si cela tient à un recul réel des pratiques de téléchargement, ou si cela reflète davantage le souci de certains enquêtés de ne pas être étiquetés comme des  » pirates  » (même si la formulation de la question ne fait pas référence à la légalité ou non du téléchargement, le questionnement a pu, cette année plus que les autres, susciter une certaine méfiance chez les personnes interrogées)« .

Souvenons-nous à ce sujet de l’exemple suédois, qui a vu son trafic Internet baisser brutalement lorsque la nouvelle législation IPRED (pour Intellectual Property Rights Enforcement Directive) est entrée en vigueur le 1er avril dernier. Le pays avait enregistré dès le lendemain une chute spectaculaire de son trafic Internet, estimée à près de 30 %. Mais quelques semaines plus tard, le trafic était rapidement revenu à la normale, les internautes s’étant accoutumés à cette nouvelle loi. On peut aisément s’attendre à voir les internautes français observer la situation pour s’y adapter au mieux.

Enfin, troisièmement parce que l’explosion du streaming cette année a également incité les internautes à diversifier leurs usages et la façon de profiter des contenus sur Internet. Entre les services comme Deezer, Jiwa ou Spotify, il n’est plus forcément nécessaire d’arpenter les réseaux peer-to-peer pour accéder à de la musique de bonne qualité et un catalogue assez fourni. Et ici nous ne parlons que des services légaux. Mais il existe également des espaces de streaming remplis de vidéos piratées, comme Megavideo. Ce dernier est d’ailleurs très populaire en France, puisque 4,1 millions d’internautes s’y sont rendus en septembre dernier.

Bref, s’il y a effectivement une évolution dans les usages des internautes, celle-ci n’est certainement pas du fait de la loi. Ces pratiques, profondément ancrées dans les habitudes des internautes, ne font que se diversifier, suivant les dernières tendances du web en matière de divertissement. Si les industries culturelles veulent jouer un bon coup dans la sphère numérique, c’est davantage vers le streaming qu’il faut se tourner.

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