Il était très attendu, mais il risque de décevoir y compris les maisons de disques et les studios de cinéma qui l’attendaient les yeux embués d’espoir. Le rapport (.pdf) de la mission Zelnik sur le développement de l’offre légale est relativement timide, et équilibré. C’est assez rare pour être souligné. S’il accentue encore la dépendance des labels aux aides publiques, il met toutefois les pieds dans le plat à l’encontre les majors du disque, mises face à leurs responsabilités.
Avec la riposte graduée désormais adoptée, il est « devenu inexact d’affirmer que le combat contre des services illégaux gratuits serait perdu d’avance parce que déloyal« , préviennent les auteurs. Finis les pleurs, il faut agir. « Plutôt que de redouter internet et de chercher à s’y adapter tant bien que mal, il convient de
prendre les devants et d’investir l’univers numérique pour en saisir toutes les opportunités« .
Qualifiée de « facilité » à laquelle il serait impossible de souscrire pour des raisons essentiellement idéologiques, la licence globale est écartée d’emblée par le rapport. Ce n’est pas une surprise, puisque Frédéric Mitterrand avait prévenu qu’il n’était pas question d’étudier cette possibilité. Comme des fuites l’avaient déjà révélé, le rapport écarte également l’idée de créer une taxe nouvelle sur les FAI, qui aurait selon les auteurs un « aspect rédhibitoire en ce qu’elle établit un surcoût pour les consommateurs sans leur apporter le moindre avantage« . On ne peut que se féliciter d’une telle franchise, qui traduit l’opposition que nous avions manifesté à toute idée de taxe sans contrepartie (c’est-à-dire sans la création d’un droit à télécharger et partager librement les œuvres).
En revanche, le rapport préconise un système de licence collective qui mettrait fin notamment aux pratiques de minimums garantis ou d’avances sur recettes exigés par les plus grandes maisons de disques. Ces pratiques permettent actuellement aux majors d’étranger les nouveaux acteurs qui n’ont pas les moyens de payer d’avance quelques millions d’euros, et de choisir les vendeurs de musique en ligne.
S’ils ont refusé de taxer les FAI, les membres de la mission ont cependant trouvé des méthodes détournées, comme une réévaluation à la hausse du taux de TVA sur les abonnements triple-play. Mais ça n’est pour les majors qu’une maigre consolation. Car contrairement à la redevance sur les abonnements que souhaitaient les industries culturelles, les recettes fiscales de la TVA ne sont pas versées à un fonds réparti aux professionnels, mais aux recettes fiscales de l’Etat. Lequel pourra (ou non) les utiliser pour mettre en place toute une série de mesures préconisées par le rapport, dont le coût global s’éleverait à une cinquantaine de millions d’euros pour 2010.
Le rapport préconise aussi la création d’une taxe sur les revenus publicitaires en ligne. L’idée de taxer les moteurs de recherche, Google en tête, a fait son chemin. Puisque la France et l’Europe sont incapables de favoriser l’émergence de grands acteurs de l’internet, autant taxer les sucess stories américaines pour financer ses industries vieillissantes. « Compte tenu de la taille du marché publicitaire sur internet, cette mesure pourrait à terme rapporter une dizaine de millions d’euros par an, acquittés principalement par les grandes sociétés opérant des services supports de publicité en ligne telles que Google, Microsoft, AOL, Yahoo! ou encore Facebook« , indique le rapport. C’est tellement plus simple, et tellement plus lâche.
Selon le rapport Zelnik, « les sociétés opérant des services en ligne ont progressivement capté une part importante de la publicité en ligne, sans toujours rémunérer les créateurs comme le font les sociétés éditrices de contenu« . Mais le rapport oublie de dire que les « créateurs » qui font vivre Google, Microsoft, AOL, Yahoo ou Facebook ne sont plus les industries du disque, du cinéma ou de l’édition, mais bien les internautes eux-mêmes à travers leurs blogs, forums, et autres sites Internet. Clairement placé dans le colimateur, Google pourrait aussi faire l’objet d’une enquête de l’Autorité de la concurrence, demandée par la mission Zelnik.
Les principales propositions du rapport :
- La création d’une carte « Musique en ligne », sorte de Chèque Restaurant adapté à la musique en ligne dont environ la moitié de la valeur faserait prise en charge par l’Etat, donc par le contribuable. La mission préconise que l’Etat y investisse 25 millions d’euros par an.
- Une campagne de communication évaluée à 5 millions d’euros, payée par l’Etat, au bénéfice des « services légaux de musique en ligne« .
- Un renforcement des aides fiscales pour l’industrie du disque, avec un renforcement du crédit d’impôt disque de 12 millions d’euros par an. L’industrie du phonogramme vieille de plus d’un siècle n’arrivant pas à trouver sa place dans l’ère numérique, le rapport propose de la mettre un peu plus sous perfusion publique.
- La mise en en place d’une licence collective qui facilite l’accès aux catalogues pour les services de musique en ligne, alors dispensés des lourdes négociations avec les maisons de disques. La mission propose d’étendre aux webradios le régime de la licence légale qui existe déjà pour les radios hertziennes (elles peuvent diffuser ce qu’elles veulent contre le paiement d’une rémunération équitable), et d’inciter les professionnels à mettre en place une licence collective volontaire d’ici la fin de l’année 2010 pour les services de téléchargement et de streaming à la demande. C’est la grande bonne surprise du rapport, qui met les maisons de disques face à leur responsabilité. Faute d’accord, le rapport préconise l’instauration d’une licence obligatoire par la voie législative.
- L’extension du prix unique au livre numérique. La mission Zelnik veut aligner le prix des livres numériques sur le prix des livres papier, avec l’extension du régime de 1981 aux e-books identiques à leur version papier (« homothétique »). Pas sûr qu’interdire la concurrence sur le prix soit toutefois le meilleur moyen de lutter contre le piratage… Le rapport appelle également de ses voeux l’extension du taux de TVA réduit (5,5%) aux livres numériques, ce qui semble de bon sens.
- Un réexamen des relations entre auteurs et éditeurs. C’est une proposition bienvenue, qui doit inciter le gouvernement à légiférer en faveur d’une meilleure protection des intérêts des auteurs dans leurs contrats avec les éditeurs. Mais le rapport Zelnik est très prudent, et n’avance aucune piste concrète. C’est dire si la route reste longue pour replace l’auteur au centre du droit d’auteur.
- La limitation des exclusivités de VOD pour les FAI. L’essentiel de la vidéo à la demande payante est aujourd’hui consommée par les offres présentes sur les box des fournisseurs d’accès à Internet. Mais chaque FAI sélectionne aujourd’hui ses offres, qui ne disposent que d’une partie du catalogue. Le rapport propose donc que la loi « fixe pour (les services de VOD) des principes d’accès non
discriminatoire aux réseaux de distribution« , qui assurent aux éditeurs de services de VOD la possibilité d’accéder à toutes les boxes sans discrimination. - La taxation du domaine public audiovisuel. C’est un vieux serpent de mer qui revient sur le devant de la scène. Le rapport propose de taxer l’exploitation des films tombés dans le domaine public, dont l’exploitation est par nature libre et gratuite, pour abonder un fonds de numérisation des films du patrimoine.
- L’augmentation de la TVA sur les abonnements « triple-play » aux FAI, à travers une baisse de la proportion du taux réduit de TVA appliqué actuellement à 50 % des forfaits.
- La taxation des revenus publicitaires en ligne, par la création d’une « taxe prenant pour assiette les revenus publicitaires en ligne des sociétés établies dans l’Union européenne, générés par l’utilisation de leurs services en ligne depuis la France« . Le rapport propose un taux de 1 à 2 % de taxe sur la part des revenus publicitaires résultat de l’utilisation des services concernés depuis la France. Les obstacles juridiques, notamment européens, sont cependant nombreux.
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