Google a annoncé hier qu’il cessait dès à présent toute censure des contenus sur son moteur de recherche chinois. Cette décision, suite à la politique rigide de la Chine en matière d’Internet et aux cyber-attaques subies en décembre dernier, pourrait cependant conduire Google à quitter le pays.

Mise à jour – « La Chine accueille les opérations sur son territoire conformes à la loi chinoise des entreprises Internet internationales » a finalement déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Jiang Yu.

Dans des propos rapportés par l’AFP, le porte-parole a déclaré que « l’Internet en Chine est ouvert et que le gouvernement chinois encourage son développement et s’efforce de créer un environnement favorable pour cela« .

Revenant sur les accusations d’attaques informatiques dirigées contre plusieurs entreprises occidentales, le ministère a assuré que « la loi chinoise interdit toute forme de cyber-attaque […] et la Chine comme d’autres pays gère l’Internet selon la loi« .

La nouvelle position de Google contre la censure est particulièrement embarassante pour Pékin, selon le directeur de recherche au CERI (Centre d’études et de recherches internationales) et spécialiste de la Chine, Jean-Luc Domenach.

Si Google part, « ce serait une claque terrible pour le pouvoir : toue sa politique internationale est justement fondée sur l’idée qu’il peut imposer ses propres règles » a-t-il expliqué au Monde. Si l’entreprise s’en va, ce serait un coup très rude pour l’image du pays et du gouvernement.

« Aux yeux des Chinois, Google, c’est le seigneur d’Internet, « le » grand moteur de recherche, même s’il reste moins utilisé que Baidu à l’échelle du pays » .

Article publié le 13 janvier – Depuis le lancement de Google.cn en 2006, le géant américain du web a régulièrement essuyé de virulentes critiques, les activistes autres opposants au régime chinois reprochant à la firme américaine de faire le jeu du pouvoir central, en acceptant censure et filtrage des contenus. L’écrémage des résultats de Google Images en est d’ailleurs une démonstration flagrante, puisque la recherche concernant Tien’anmen diffère entre la version chinoise du moteur et le reste du monde.

La Chine a mené la vie dure à Google, bloquant de temps en temps tous les services web de la société pour des raisons fallacieuses ne justifiant pas de telles mesures. C’est d’ailleurs souvent au prétexte que le moteur de recherche introduirait des contenus pornographiques en Chine que le blocage a été mis en œuvre. Le Centre de dénonciation des informations illégales et malsaines (China Internet Illegal Information Reporting Center – CIIRC) avait appuyé cette démarche en déclarant que Google Chine diffusait un grand nombre de contenus pornographiques et obscènes, violant les lois et les règlements concernés, nuisant ainsi aux intérêts publics.

Sauf que cette fois, la coupe est pleine. Dans un billet publié hier sur le blog officiel de la société, David Drummond (vice-président senior, développement de l’entreprise et direction juridique) a expliqué qu’en décembre dernier, Google « a détecté une attaque très sophistiquée et très ciblée contre notre infrastructure d’entreprise en provenance de Chine et qui a abouti à un vol de propriété intellectuelle« . Après expertise, ce qui ne semblait être qu’un  » incident de sécurité isolé – mais de taille – » était en réalité tout autre.

Google, qui communique rarement sur ce sujet, a expliqué que cette cyber-attaque n’a pas ciblé uniquement le moteur de recherche. « Durant nos investigations, nous avons découvert qu’au moins vingt autres entreprises d’importance évoluant dans un large spectre de secteurs – Internet, finance, technologie, médias, chimie – ont été visées de la même façon« . Dès lors, cette opération n’a manifestement pas pu être montée par quelques pirates isolés. C’est une action à grande échelle qui a été menée estime Google, tout en se gardant bien de citer explicitement une organisation… ou un gouvernement.

Mais quel était l’objectif d’une telle attaque ? Pour David Drummond, ce sont justement les activistes chinois qui ont été ciblés. « Nous avons des preuves pour supposer que la mission principale des attaquants était d’accéder aux comptes Gmail des militants chinois des droits de l’Homme« . Cependant, l’opération aurait échoué, hormis deux comptes dont quelques informations ont été récupérées. Cependant, la firme américaine précise que ce ne sont pas les e-mails qui ont été compromis, mais plutôt les informations du compte, comme la date de création.

Revenant sur le lancement de Google en Chine, David Drummond explique qu’à l’époque, le moteur de recherche pensait qu’un accès accru à l’information allait être bénéfique pour l’internaute chinois, malgré l’inconfort d’accepter de censurer certains résultats. « Nous avions indiqué que nous allions suivre attentivement la situation en Chine, y compris sur des nouvelles lois ou de nouvelles restrictions impactant nos services. Si nous déterminons que nous sommes incapables d’atteindre nos objectifs, nous n’hésiterons pas à reconsidérer notre approche de la Chine » avait alors prévenu Google.

Entre ces nouvelles attaques, combinées avec les tentatives chinoises de limiter la liberté d’expression sur le web, Google a décidé « de reconsidérer la faisabilité de nos affaires en Chine« . En conséquence, l’entreprise a annoncé son intention de ne plus filtrer les résultats de recherche sur Google.cn, tout en laissant la porte ouverte au gouvernement chinois afin de savoir si le moteur de recherche, dans sa version chinoise, peut continuer à opérer dans ces conditions. « Nous savons que cela pourrait très bien conduire à fermer Google.cn, ainsi que nos bureaux en Chine » souligne l’entreprise, qui a 700 employés sur place.

Il faut bien le dire, la décision de Google de réévaluer sa présence en Chine est courageuse. Il serait par ailleurs intéressant que d’autres sociétés du même acabit, comme Microsoft ou Yahoo, suivent le mouvement initié par la firme de Mountain View, afin d’éprouver la censure chinoise.

Cependant, cet ultimatum pourrait finalement profiter… aux concurrents de Google, notamment Baidu, qui possède près de 64 % de parts de marché, contre environ 31,5 % pour l’entreprise américaine, selon les chiffres pour septembre dernier publiés par la société d’études Analysis International. Car le marché chinois, avec plus de 300 millions d’internautes, représente un véritable eldorado pour ces sociétés.

Baidu, qui est déjà en position de force en Chine, pourrait très bien renforcer encore un peu plus sa domination. D’ailleurs, les boursicoteurs ne s’y sont pas trompés : suite à l’annonce d’un éventuel départ de Google en Chine, l’action de Baidu a bondi de près de 7 % à Wall Street, à 413,52 dollars contre 386,49 la veille. En revanche, côté Google l’action a baissé de 1,4 %, à 582 dollars.

Google risque donc de l’argent sur cette opération, mais ce risque devrait être limité. En effet, le chiffre d’affaires de l’entreprise est principalement réalisé en Occident (Amérique du Nord et Europe), même si le marché chinois est particulièrement attirant. Et pour cause, il s’agit là de la première nation au monde en terme d’internautes.

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