Mise à jour : comme nous le pressentions devant l’hostilité des élus au sein même de la majorité, l’amendement CL160 qui imposait des études sur la vidéosurveillance aux maires a été retiré par le gouvernement.
Article du 27 janvier 2010 – Entre autres choses, le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi) prévoit d’intensifier la vidéosurveillance, rebaptisée « vidéoprotection » pour rassurer le citoyen lambda sur les intentions étatiques. Lorsqu’il était encore dirigé par Michèle Alliot-Marie, le ministère de l’intérieur avait révélé son grand plan pour « un nouvel élan de la vidéoprotection« , qui prévoit de faire passer le nombre de caméras sur la voie publique de 20.000 à 60.000 d’ici 2011. « La vidéoprotection, c’est un instrument efficace pour prévenir les actes de délinquance et dissuader les délinquants« , assure le ministère, selon lequel « il s’agit de protéger les Français de la délinquance et en aucun cas de les surveiller !« .
Mais le gouvernement est face à un léger problème pratique. Beaucoup de communes sont réticentes à l’idée d’installer des systèmes de vidéosurveillance dans la rue, notamment parce que ces systèmes coûtent très chers à mettre en place et à entretenir, mais aussi parce qu’ils sont inefficaces voire contre-productifs. « Depuis quinze ans, toutes les études britanniques disent la même chose. La vidéosurveillance n’a aucun effet sur les délits et les crimes les plus graves, notamment les agressions et les violences aux personnes« , indiquait récemment dans Ouest-France Eric Heilmann, sociologue et professeur à l’université de Bourgogne à Dijon, et spécialiste de la vidéosurveillance.
« Aucune étude sérieuse n’a jamais été menée en France » sur l’efficacité de la vidéosurveillance, prévient-il. Un rapport qu’avait produit le ministère début 2009 semblait justifier la vidéosurveillance, mais il « ne prouve rien car il mesure l’impact des caméras sur la délinquance générale enregistrée. Cela recouvre un tas de délits comme les violences familiales, l’usage de chèque volé ou les infractions économiques, sur lesquels la vidéo n’a aucun effet« . De plus, « le rapport, qui compare des villes équipées avec celles qui ne le sont pas, ne tient pas compte de variables tels que l’évolution de l’éclairage et des effectifs de police ou encore un changement de leur mode d’action« .
Certains conseils municipaux se posent même, incroyable, des questions éthiques ! L’objectif de sécurité justifie-t-il d’en arriver à surveiller l’ensemble de ses concitoyens ?
Face à la réticence des élus de terrain, le gouvernement propose un amendement à la loi Loppsi qui pourrait leur forcer la main. L’amendement CL160 (.pdf) proposé par Brice Hortefeux prévoit en effet de donner aux préfectures le pouvoir d’ordonner la réalisation d’études de sécurité sur les besoins des communes en matière de vidéoprotection, lorsque les conseils municipaux rejettent de telles études. Mieux, si l’étude conclut à la nécessité d’installer des caméras de surveillance, la préfecture pourra les faire installer de force contre l’avis des élus locaux. « Le préfet est habilité à passer, pour le compte de la commune et en se substituant au maire et au conseil municipal, les marchés nécessaires à cette installation« , indique ainsi l’amendement.
« L’objet du présent amendement est de favoriser le développement de la vidéoprotection dans
les communes où son implantation se justifie. Il convient que l’Etat puisse passer outre à leur inertie en la matière lorsque celle-ci conduit à ne pas recourir à cette technique alors que son intérêt est pourtant établi au regard des circonstances locales« , explique le gouvernement.
Qui paiera la facture indésirée ? La commune, bien sûr. En effet, « les dépenses de vidéoprotection arrêtées par le préfet, après mise en demeure du conseil municipal, constituent une dépense obligatoire pour le budget de la commune« .
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