Dans une note envoyée au gouvernement le 21 janvier dont nous avons eu connaissance, la CNIL s’inquiète des conséquences d’un « développement massif de la vidéosurveillance comme outil de lutte contre la délinquance« , notamment au regard des nouvelles technologies de détection comportementale et de reconnaissance faciale. « Ce développement ne pourra s’opérer de façon harmonieuse et respectueuse des libertés que s’il garantit au citoyen une protection effective de ses droits« , prévient dans la note Alex Türk, le président de la CNIL.
Le courrier vise essentiellement à plaider la cause de la CNIL, qui demande à être investie d’un pouvoir étendu de contrôle de la vidéosurveillance. La Commission rappelle que « l’encadrement juridique des systèmes de vidéosurveillance est particulièrement flou et incertain« , puisqu’il diverge « selon la nature du lieu concerné (espaces publics ou privés) et les technologies utilisées« . Elle souhaite donc profiter du projet de loi Loppsi pour remettre de l’ordre dans l’encadrement juridique, et se faire reconnaître un droit de contrôle au niveau national.
Avec le projet de loi Loppsi, le gouvernement souhaite accorder aux personnes privées la possibilité d’installer des caméras dans des lieux ouverts au public « particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol », alors que les cas sont pour le moment limités aux risques de terrorisme. Il prévoit aussi de donner aux préfets la possibilité de fixer une durée minimale de conservation des enregistrements, et d’octroyer à la Commission nationale de vidéosurveillance une mission générale de contrôle du développement de la vidéosurveillance. Le préfet, lui, pourrait obtenir la fermeture temporaire des établissements où des caméras non autorisées sont exploitées.
« L’évaluation de l’efficacité des systèmes de vidéosurveillance est plus que jamais nécessaire »
Mais pour la CNIL, ces pouvoirs de contrôle et de sanction ne sont pas satisfaisants. Elle reproche à la Commission nationale de vidéosurveillance de manquer des moyens et de l’expérience nécessaires pour les contrôles, et de ne pas offrir « de garanties d’indépendance suffisantes, en raison de sa composition, de son rattachement direct au ministère de l’intérieur, ainsi que de son rôle purement consultatif« . Alex Türk demande donc que la CNIL puisse bénéficier d’un pouvoir de contrôle national sur la vidéosurveillance. Il estime que la CNIL bénéficie au contraire à la fois de « contrôleurs de métier immédiatement opérationnels », de « réelles garanties d’indépendance », et « d’une longue pratique des problématiques liées à la vidéosurveillance » avec plus de 3000 dossiers examinés et 197 plaintes reçues en 2009.
Par ailleurs, la CNIL émet une critique de fond à l’égard du gouvernement qui a prévu de tripler le nombre de caméras de surveillance installées en France. Le pays « souffre de la quasi absence de publications d’études d’évaluation nationale conduite sur une base méthodologique fiable concernant l’efficacité des dispositifs de vidéosurveillance« , écrit Alex Türk. « Je suis convaincu qu’un mécanisme d’évalution de l’efficacité des systèmes de vidéosurveillance dans les lieux publics est plus que jamais nécessaire« , ajoute-t-il.
Depuis l’envoi de sa note, Alex Türk a dû s’émouvoir de l’amendement déposé par le gouvernement qui prévoit de donner aux préfets le pouvoir de passer outre les réticences des municipalités, pour leur imposer l’installation de caméras lorsqu’elles hésitent. Cependant, devant l’hostilité des députés y compris parmi les membres de la majorité, Brice Hortefeux devrait abandonner ou largement sous-amender cette disposition lors des débats qui débuteront le 9 février prochain à l’Assemblée Nationale.
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