En réponse à une communication de la Commission européenne sur le renforcement de l’application des droits de propriété intellectuelle dans le marché intérieur, l’eurodéputée française Marielle Gallo a présenté en comité des affaires juridiques du Parlement européen un projet de rapport (.pdf). La Quadrature du Net, qui attire notre attention sur le document, estime qu’il fournit là « un parfait exemple de ce qui se fait de pire en matière de dogmatisme » au sujet des droits d’auteur et plus généralement de la propriété intellectuelle.
L’idée du rapport est de mettre dans un même sac la contrefaçon de médicaments et l’échange de musique ou de films sur Internet, en mélangeant allègrement les réseaux criminels les plus dangereux pour la santé publique et les internautes qui ne font que partager leur culture. Ainsi le premier considérant du rapport affirme que « les infractions aux droits de propriété intellectuelle, entendus comme toute atteinte aux droits de propriété intellectuelle, tels que les droits d’auteur, les marques, dessins ou brevets, constituent une menace réelle pour la santé, la sécurité des consommateurs mais aussi pour notre économie et nos sociétés« . Plus loin, on peut lire qu’il y a « des liens démontrés entre différentes formes de crime organisé et les infractions aux droits de propriété intellectuelle, en particulier la contrefaçon (de biens matériels, ndlr) et le piratage« .
Le projet de rapport propose donc de renforcer les sanctions pénales à l’encontre du piratage, et de s’inspirer « des expériences nationales » pour combattre le partage de fichiers au niveau européen. L’idée sous-jacente est bien sûr d’étendre la riposte graduée façon Hadopi à l’ensemble des pays européens, par le biais d’une directive. Ce quand bien même le Parlement s’est plusieurs fois opposé à cette idée.
Outre les éléments soulevés par la Quadrature du net, nous avons relevé plusieurs points risibiles (non exhaustifs) dans le projet de rapport de Mme Gallo, épouse à la ville de l’auteur prolifique Max Gallo, et porte-parole de La Gauche Moderne qui fait alliance avec l’UMP :
- Le projet de rapport propose de mettre en place une campagne de sensibilisation à l’échelle européenne sur « l’impact négatif de la contrefaçon et du piratage » (une distinction qui d’ailleurs n’a pas lieu d’être d’un point de vue juridique), et « insiste sur la nécessité d’éduquer le jeune public afin de leur permettre de comprendre les enjeux de la propriété intellectuelle et d’identifier clairement ce qui est légal et ce qui ne l’est pas« . Sachant que même les plus grands juristes spécialisés en propriété intellectuelle ont du mal à se mettre d’accord sur la légalité ou non de certaines pratiques, on se demande bien comment une campagne de communication pourrait aider les jeunes à devenir des savants infaillibles de la propriété intellectuelle. Même l’avocat de l’UMP ne comprend apparemment rien au droit d’auteur.
- Il est affirmé que « le piratage est aujourd’hui le plus gros obstacle au développement d’offres légales en ligne« . On peut absolument tout penser du piratage, mais certainement pas qu’il est responsable du manque d’imagination des professionnels de la culture. Au contraire, le piratage devrait les encourager à développer des offres innovantes qui concurrencent le piratage, or c’est la gourmandise des labels et le droit d’auteur excessif qui tuent le plus souvent l’innovation dans l’oeuf.
- Le rapport demande à la Commission de maintenir ses efforts pour négocier le traité international ACTA sur la lutte contre la contrefaçon, comme si Mme Gallo craignait que les négociations soient abandonnées devant l’hostilité croissante de la société civile. Mais le plus drôle, c’est que pour expliquer ce qu’est le traité ACTA, le rapport pointe vers une page de l’encyclopédie Wikipedia ! Le traité négocié en dehors de toute institution internationale est tellement une boîte noire qu’il n’existe aucune page officielle pour le présenter.
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