Le jugement de 636 paragraphes était très attendu, au terme d’un procès fleuve. Mercredi, la justice australienne a débouté les studios hollywoodiens de toutes leurs prétentions à l’encontre de iiNet, le troisième fournisseur d’accès le plus important en Australie. Warner Bros, Disney, Paramount, Columbia ou encore Twentieth Century Fox avaient poursuivi le FAI en justice pour obtenir qu’il bloque l’utilisation de BitTorrent sur son réseau, ou qu’il accepte de suspendre l’accès à Internet des abonnés suspectés de téléchargement illégal, dont l’adresse IP lui serait communiquée par les ayants droit.
Le tribunal fédéral a reconnu l’existence d’un piratage massif sur le réseau du FAI, mais refusé de le rendre responsable. Il a estimé que contrairement à ce que prétendaient les studios, iiNet n’avait pas « autorisé » le partage illicite de fichiers sur BitTorrent par l’absence de mesures préventives. Les studios hollywoodiens espéraient que la justice australienne condamne le FAI comme elle avait condamné l’éditeur du logiciel de P2P Kazaa. Raté.
Le juge a estimé que ça n’était pas parce que iiNet ne faisait rien pour empêcher l’utilisation de BitTorrent sur son réseau qu’il avait nécessairement « autorisé » son utilisation à des fins illicites. Pour appuyer leurs prétentions, les plaignants avaient indiqué au tribunal que malgré les relevés d’adresses IP « pirates » transmis à iiNet, le FAI a toujours refusé de suspendre l’accès à Internet des abonnés concernés, ce qui était pour eux une preuve de complicité. Ils souhaitaient en quelque sorte que le FAI collabore à une riposte graduée sans l’intermédiaire de la justice, sur simple dénonciation. Et pour contrer tout argument sur l’atteinte à la liberté de communication induite par la suspension, ils rappelaient que le FAI coupe l’accès en cas d’impayé.
Mais comme le relève Michael Geist, le tribunal n’a pas du tout admis l’argument, et même expliqué en longueur pourquoi la riposte graduée n’était pas un mécanisme raisonnable de lutte contre le piratage.
Tout d’abord, le juge estime que « quel que soit leur qualité » les relevés d’adresses IP transmis par l’industrie cinématographique ne sont pas suffisants pour déterminer de façon certaine qu’il y a bien atteinte aux droits d’auteur de la part de l’abonné. « La Cour a dû examiner une quantité très importante de détails techniques et juridiques sur des dizaines de pages dans ce jugement pour déterminer si des clients d’iiNet, et à quelle fréquence des clients d’iiNet violent des droits d’auteur en utilisant le système BitTorrent« , note le tribunal. « Contrairement à des allégations sur le droit d’auteur, le défendeur (iiNet) n’a pas besoin de tiers pour avoir la preuve que ses abonnés n’ont pas payé leur facture avant de décider de suspendre leur compte« .
« La contrefaçon de droit d’auteur n’est pas un sujet simple« , constate le jugement. « Il est fortement problématique de conclure que de telles questions devraient être décidées par une personne privée, tel que le défendeur, plutôt que par un tribunal« . Le juge ajoute que même en imaginant que ça soit possible pour un FAI de déterminer juridiquement et techniquement s’il y a bien eu infraction au droit d’auteur, les dépenses induites seraient très importantes, et ne pourraient pas reposer sur les épaules des FAI alors qu’ils ne sont pas responsables des agissements de leurs clients.
Enfin, le tribunal estime qu’il ne serait « pas raisonnable » de couper l’accès à Internet à cause de violations de droits d’auteur. « Evidemment la suspension des comptes de l’abonné constituerait une étape qui empêcherait la personne ou les personnes de violer des droits d’auteur (au moins avec ce FAI), mais il empêcherait aussi cette personne ou ces personnes d’utiliser Internet pour toutes les autres utilisations non contrefaisantes« , peut-on ainsi lire. Or, le juge rappelle que dans l’affaire Kazaa, l’éditeur n’a été contraint de fermer son réseau P2P que parce qu’il avait été démontré lors du procès que le piratage était l’utilisation prédominante faite de Kazaa. Mais lorsque le FAI reçoit des plaintes pour piratage, rien ne lui permet de dire que son client utilise Internet essentiellement pour pirater.
C’est un peu aussi l’idée qui transparait dans la décision du Conseil constitutionnel sur la loi Hadopi. Les sages avaient prévenu que la suspension de l’accès ne pourrait être prononcée par un juge que si elle constitue une mesure « strictement nécessaire », et « proportionnée ». Ce qui ne sera probablement pas le cas pour quelques films ou albums téléchargés.
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