L’Accord de Commerce Anti-Contrefaçon (ACTA) en cours de négociation va-t-il imposer une forme de riposte graduée à l’ensemble des pays signataires ? Le plus simple pour le savoir serait que l’Union Européenne et les Etats-Unis acceptent de rendre publics les textes négociés à l’issu des différentes tables rondes organisées à travers le monde. En attendant, on ne peut qu’interpréter les différents signaux, parfois contradictoires, qui nous parviennent de différents canaux.
Il y a encore quelques semaines, il semblait évident que l’Hadopi faisait partie intégrante de l’ACTA, avec le filtrage. Selon les échos, l’idée maîtresse du chapitre Internet du traité serait en effet d’imposer aux fournisseurs d’accès à Internet et aux hébergeurs une responsabilité pénale accrue en matière de contrefaçon. Soit ils coopèrent à travers la suspension de l’accès à Internet des « pirates » qui leur sont notifiés et en bloquant l’accès aux sites qui leur sont signalés, soit leur responsabilité pourra être mise en jeu devant les tribunaux.
Cependant, dernièrement, l’Australie a démenti cette vision des choses. Le Département des Affaires Etrangères et du Commerce (DFAT) qui négocie le traité a assuré qu’il n’avait jamais été question de « légiférer sur une réglementation de ‘riposte graduée »« .
Bruxelles, de son côté, est plus nuancée. La commissaire Benita Ferrero-Waldner en charge du commerce extérieur a fait savoir que l’ACTA serait « en ligne avec le corps de la législation de l’UE, qui respecte pleinement les droits et libertés fondamentaux et les libertés civiles, telles que la protection des données personnelles« . Notamment « les aspects du ‘Paquet Télécom’ pertinents en matière de Droits de Propriété Intellectuelle« , assure-t-elle.
« ACTA ne doit pas contenir de mesures restreignant l’accès des utilisateurs finaux d’Internet qui ne seraient pas appropriées, proportionnées et nécessaires dans une société démocratique et sans procédure préalable, équitable et impartiale« , ajoute la commissaire européenne. Des termes qui rappellent ceux de l’amendement 138 révisé, voté par le Parlement Européen après un intermiable feuilleton législatif. La Commission Européenne prévient ainsi que le l’ACTA pourrait prévoir la suspension de l’accès à Internet de certains utilisateurs, mais uniquement dans les conditions déjà encadrées par l’amendement 138 qui impose au préalable « une procédure équitable et impartiale, assurant, notamment, que le principe de la présomption d’innocence et le droit pour la personne d’être entendu soient pleinement respectés« . Ce qui au moins sur le papier doit éviter toute suspension abusive de l’accès à Internet.
La réponse de la Commission, en revanche, ne dit rien du filtrage. Or c’est aussi un aspect fondamental redouté de l’ACTA, plus encore que la riposte graduée qui restera sans doute une menace plus qu’une réalité.
« C’est l’avis de la Commission que l’ACTA est destiné à lutter contre l’activité illégale à grande échelle, souvent menée par des organisations criminelles, qui provoque un impact dévastateur sur la croissance et l’emploi en Europe et peut causer de graves risques pour la santé et la sécurité des consommateurs. Il ne s’agit pas de limiter les libertés civiles ou de harceler les consommateurs« , conclut la Commission.
Pas sûr que ça suffise à rassurer.
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