Jeudi matin, après l’adoption d’un article 2 très large sur l’usurpation d’identité, et de l’article 3 qui fait de l’usage d’Internet une circonstance aggravante pour tous types de délits de contrefaçon, les députés ont adopté l’article 4 qui impose le blocage des sites Internet pédopornographiques sur demande de l’administration, mais avec accord du juge. Un dispositif largement critiqué, abandonné en Allemagne, qui utilise le prétexte fallacieux de la protection de l’internaute contre l’accès fortuit aux sites pédopornographiques.
En réalité, le blocage des sites pédopornographiques est irréaliste sur un plan technique, pose de graves risques de sur-blocages incompatibles avec le respect des libertés d’expression et de communication, et pourrait même être contreproductif. Il va simplement conduire les pédophiles (qui cependant n’ont pas attendu la Loppsi pour ça) vers des moyens alternatifs de distribution, chiffrés et souvent payants, qui alimentent les réseaux criminels en mettant à l’abri leurs utilisateurs. Des moyens qui seront de plus en plus partagés par les internautes lambdas sous l’effet de la loi Hadopi, qui incite de nombreux « pirates du dimanche » à chiffrer eux aussi leurs échanges de fichiers.
Le blocage pose aussi un problème démocratique de fond trop souvent ignoré. Soit la liste noire des sites à bloquer est secrète et interdit donc tout recours de celui qui aurait été bloqué abusivement. Soit la liste est publique et elle constitue alors un véritable annuaire des contenus pédopornographiques. Pour le gouvernement, il est clair que la liste sera secrète. Mais seuls ceux qui auront eu notification de la décision du juge administratif autorisant le blocage pourront exercer un recours. A ce stade, rien ne permet de penser que l’éditeur d’un site Internet qui subirait un sur-blocage aura les moyens de comprendre pourquoi, et d’intervenir.
Tous ces risques invitaient à renoncer au filtrage. Mais « rien ne justifie qu’on cherche à conserver la liberté de l’internaute » en matière de lutte contre la pédopornographique, a défendu la députée UMP Chantal Brunel. Cela justifiait-t-il pour autant de ne pas conserver les droits des internautes, qui sont aussi et avant tout des citoyens ?
Patrick Bloche (PS) a rappelé à cet effet l’avis du Conseil constitutionnel qui impose le recours à l’autorité judiciaire avant toute mesure de filtrage. Sans effet. « Je suis choqué qu’on en appelle au Conseil constitutionnel pour des sites pédopornographiques« , a renchéri Madame Brunel, farouchement favorable à un filtrage incontrôlé. Mercredi soir, elle expliquait aussi qu’il fallait bloquer les sites qui permettent potentiellement à des millions de français possesseurs de webcams d’exhiber leur sexualité sado-maso sur le net. Mais son amendement allant dans ce sens a été rejeté par la majorité, le gouvernement trouvant qu’il allait « trop loin« .
Pour Brice Hortefeux, qui n’avait pas voulu trancher sur le recours au juge, « le filtrage en amont est indispensable » devant la difficulté à faire fermer les sites étrangers. Ca n’est pourtant pas l’avis de l’Allemagne, où une étude a constaté que 93 % des rares contenus pédophiles notifiés aux hébergeurs, y compris à l’étranger, étaient retirés en moins de deux semaines.
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