C’est un grave aveu qu’a fait Nathalie Kosciusko-Morizet ce matin en présentant le groupe d’experts appelés à travailler sur la neutralité du net. En conférence de presse, NKM a avoué (ou prétendu) ne rien savoir sur l’ACTA, le traité international de lutte contre la contrefaçon que négocient actuellement près d’une quarantaine d’Etats. « Vous savez, l’ACTA c’est mystérieux pour tout le monde, y compris pour nous« , s’est-elle défaussée.
Le chapitre Internet de l’ACTA que nous analysions cette semaine concerne pourtant directement la secrétaire d’état à l’économie numérique, puisqu’il met en cause l’équilibre de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN). Dans un billet, le journaliste Guerric Poncet s’interroge : « Mais qui négocie quoi ?« . Il rapporte que selon un négociateur européen en charge de l’ACTA, Bercy aurait envoyé des troupes négocier le traité en sus de la Commission Européenne, qui négocie au nom de l’Union et donc de tous les états membres. Mais en conférence de presse, NKM a assuré que la France n’avait pas missionné de négociateurs.
Le trouble est d’autant plus grand que selon Guerric Poncet, qui cite une source anonyme au sein de la Commission, « c’est la présidence française de l’UE, en 2008, qui a poussé pour l’extension de l’ACTA sur le terrain de la lutte anti-piratage, et pour la protection des négociations par le secret le plus absolu« .
A cette époque, Nicolas Sarkozy luttait contre le Parlement Européen qui, via l’amendement 138 au Paquet Télécom, s’opposait à la riposte graduée à la française. Il a pu vouloir se servir de l’ACTA pour imposer par le haut au Parlement Européen la riposte graduée que les eurodéputés rejetaient. Ca n’est que lorsque le Conseil constitutionnel a rappelé l’évidente nécessité de recourir au juge avant toute suspension de l’accès à Internet que le Président français a lâché du leste au niveau européen, et peut-être aussi au niveau international.
Ce qui pourrait expliquer que la riposte graduée a finalement disparu de l’ACTA, reléguée au simple rang d’exemple de bonne pratique pour empêcher le téléchargement illégal.
Quant au secret, lui aussi pourrait enfin disparaître sous la pression du Parlement Européen. Quatre eurodéputés dont la française Françoise Castex ont soumis au Parlement une déclaration écrite dans laquelle ils exigent la plus grande transparence sur l’ACTA. Elle devra obtenir d’ici trois mois une majorité de signatures au Parlement pour être officiellement adoptée. « Il s’agit d’une occasion importante pour les citoyens d’agir contre l’ACTA et de protéger Internet. Chaque citoyen européen qui aime le Net doit contacter les eurodéputés de son pays et les inciter à signer cette déclaration écrite« , harangue Jérémie Zimmermann, porte-parole de la Quadrature du Net.
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