On va pouvoir commencer à rire. Selon nos confrères de PC Inpact, le décret d’application de la loi Hadopi qui fixe la procédure d’évaluation et de labellisation des moyens de sécurisation des accès à Internet aurait été transmis à la Haute Autorité pour examen. A ce stade ça n’est qu’une formalité, puisque le décret fixe non pas les caractéristiques techniques que devront avoir les logiciels pare-feu, mais simplement les modalités procédurales permettant d’aboutir peut-être un jour à l’élaboration de la liste des critères permettant de labelliser ou non un logiciel de sécurisation.
Or les 12 travaux d’Hercules ne sont rien à côté de l’élaboration de cette liste, qui va se heurter à de très nombreux problèmes pratiques. L’installation d’un moyen de sécurisation labellisé suffira, en principe, à exonérer l’internaute de toute responsabilité pénale au regard du délit de négligence caractérisée. Mais la définition des « fonctionnalités essentielles » sera un véritable casse-tête.
Les logiciels devront-ils, par exemple, bloquer les logiciels d’échange de fichiers en P2P comme BitTorrent, qui servent pourtant aussi à télécharger légalement des fichiers, au risque alors de violer la liberté d’expression et de communication ? Si non, comment un logiciel de sécurisation pourra-t-il reconnaître à la volée la légalité ou non d’un téléchargement pour le bloquer ou le supprimer a posteriori ? Devront-ils bloquer l’accès à certains sites comme The Pirate Bay, Mininova ou Rapidshare, même s’ils n’ont pas fait l’objet d’une condamnation définitive devant les tribunaux, au mépris de la présomption d’innocence ?
Les logiciels pourront-ils être installés sous des systèmes open-source comme Linux ? Comment l’abonné apportera-t-il la preuve que le logiciel de sécurisation était non seulement installé, mais aussi activé au moment du téléchargement illicite constaté ? Faudra-t-il, comme ça avait été envisagé sous le leadership de Christine Albanel, accompagner le logiciel d’un spyware communiquant en permanence avec un serveur extérieur ? Quelles seront les obligations de mise à jour pour l’abonné qui a installé un logiciel labellisé ? Y aura-t-il la garantie qu’au moins un logiciel de sécurisation labellisé sera gratuit ?
S’il est installé sur un ordinateur, comment éviter le piratage sur un autre qui partage la même adresse IP ? Etc., etc.
Le Conseil constitutionnel lui-même a fait du pied au Conseil d’Etat pour qu’il soit particulièrement vigilant au moment de la publication des décrets. « Les conditions dans lesquelles seront constatées et jugées ces contraventions soulèvent la question de l’éventuelle inversion de la charge de la preuve à l’encontre du titulaire d’accès à internet lorsque cet accès fait l’objet d’une utilisation portant atteinte aux droits d’auteurs« , a prévenu le Conseil constitutionnel dans le commentaire de sa décision sur Hadopi 2. Il n’avait pas pu censurer la disposition pour atteinte à la présomption d’innocence, « non pour des motifs de fond, mais pour des motifs de compétence« . Il tapait ainsi du pied le Conseil d’Etat qui devra éventuellement censurer les décrets s’ils portent atteinte à la présomption d’innocence ou à la liberté de communication.
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