Le gouvernement a publié dimanche au Journal Officiel un nouveau décret d’application de la loi Hadopi, qui vise la création du « Système de gestion des mesures pour la protection des œuvres sur internet ». Il s’agit du fichier Hadopi qui permet de croiser les relevés d’adresses IP de pirates présumés transmis à la Haute Autorité par les ayants droit et les données de connexion des fournisseurs d’accès à Internet. Le fichier doit ainsi permettre à l’Hadopi de garder un historique des infractions présumées pour constater la récidive, et d’obtenir l’identité des abonnés suspectés pour leur envoyer les messages d’avertissements.
Le décret prévoit ainsi que les données d’infractions présumées seront conservées 2 mois s’il n’y a pas eu de suite, 14 mois s’il y a eu l’envoi d’un e-mail, et 20 mois s’il y a eu envoi d’une lettre recommandée. Les FAI devront collaborer volontairement par la signature d’une convention, ou le gouvernement publiera un arrêté pour les y contraindre.
Pour identifier l’abonné, le FAI devra fournir les nom de famille, prénoms, adresse postale et de courrier électronique, coordonnées téléphoniques, et adresse de l’installation téléphonique de l’abonné. De leur côté, les ayants droit doivent fournir une longue liste d’informations relatives à l’infraction constatées :
- Date et heure des faits ;
- Adresse IP des abonnés concernés ;
- Protocole pair à pair utilisé ;
- Pseudonyme utilisé par l’abonné ;
- Informations relatives aux œuvres ou objets protégés concernés par les faits ;
- Nom du fichier tel que présent sur le poste de l’abonné (le cas échéant) ;
- Fournisseur d’accès à internet auprès duquel l’accès a été souscrit.
- Quant aux agents assermentés et agréés dans les conditions définies à l’article L. 331-2 du code de la propriété intellectuelle : Nom de famille, prénoms ; Date et durée de l’agrément, date de l’assermentation ; Organismes (de défense professionnelle régulièrement constitués, sociétés de perception et de répartition des droits ou Centre national du cinéma et de l’image animée) ayant procédé à la désignation de l’agent.
Ainsi le décret vise spécifiquement les « protocoles pair à pair », c’est-à-dire les réseaux P2P. Et partant, il achève de contourner la décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 2006 sur la loi DADVSI.
Déjà à l’époque, le ministre de la culture Renaud Donnedieu de Vabres s’était chargé d’élaborer un mécanisme de riposte graduée au service des ayants droit, qui visait exclusivement l’utilisation des réseaux P2P avec des peines d’amendes progressives. Mais dans sa décision, le Conseil constitutionnel avait jugé « contraire au principe d’égalité devant la loi pénale, l’article 24, qui, dans le cas particulier de l’utilisation d’un logiciel d’échanges » pair à pair « , qualifiait de contraventions des actes de reproduction ou de mise à disposition d’œuvres protégées qui constitueraient des délits de contrefaçon s’ils étaient commis par tout autre moyen de communication en ligne« . Les sages reprochaient au texte de RDDV de viser spécifiquement les réseaux P2P pour créer un régime d’exception au sein des délits de contrefaçon.
C’est cette censure qui a donné l’idée quelques années plus tard de voter la loi Hadopi, dont la riposte graduée ne vise plus officiellement les seuls réseaux P2P mais toute infraction au droit d’auteur réalisée par communications électroniques. De sorte qu’elle est devenue acceptable pour le Conseil constitutionnel. Cependant, le décret ramène à la réalité en visant de fait les seuls réseaux P2P dans les relevés d’infraction. Ce qui n’est pas surprenant puisque sauf à exiger l’installation de mouchards sur les réseaux des FAI, seule l’utilisation des réseaux P2P permet techniquement de relever l’adresse IP des utilisateurs en se faisant passer pour l’un d’entre eux.
Le décret confirme donc, en tout cas, que les utilisateurs de sites de streaming, de serveurs FTP, de newsgroups, de sites de téléchargements (type RapidShare), etc., ne sont pas concernés par la chasse aux pirates.
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