Il est évidemment impossible de déterminer l’impact qu’a pu avoir une loi nationale aussi spécifique que la loi Hadopi sur le choix du bulletin qu’ont glissé les électeurs dans leur urne, à des élections locales. La logique voudrait que l’impact fut nul, ou négligeable. Le droit d’auteur et le téléchargement ne sont déjà pas des thèmes de campagne nationaux, ça n’est donc pas pour en faire des éléments déterminants à l’échelle régionale.
Pourtant, la loi Hadopi reste en travers de la gorge de certains élus UMP, qui la jugent symbolique d’une certaine perte de crédibilité. Catherine Vautrin, députée de la Marne, aurait ainsi expliqué lors de la réunion de groupe post-électorale de l’UMP que la loi Hadopi avait été « incomprise » par les Français et qu’il aurait fallu que le parti présidentiel soit « plus humble » face aux critiques qui s’exprimaient. Un coup porté à Nicolas Sarkozy, qui avait promis qu’il irait « jusqu’au bout » dans l’adoption de la loi, même après sa censure par le Conseil constitutionnel.
De même, le député UMP Bernard Debré a lui-aussi jugé la loi Hadopi symptomatique d’une dérive du groupe parlementaire. « J’ai pris comme exemple la loi Hadopi, qui était ce qu’elle était, mais elle nous a mis à dos un certain nombre de jeunes. Elle a hésité, tergiversé, puis finalement elle a été votée parce qu’on nous l’a demandé avec beaucoup d’insistance…« , a ainsi raconté le député au micro de RMC. « Ca n’était pas une bonne chose (…), la position des députés était très inconfortable« .
Sur Twitter, Samuel Autheuil indique par ailleurs que « les premières analyses fines du résultat des régionales semblent indiquer que l’UMP a lourdement décroché chez les 18-25 ans« , et se demande s’il s’agit là d’un effet de la Hadopi. « L’UMP a plus largement décroché chez les très jeunes électeurs que chez les autres« , relate-t-il. Pour le moment, aucune publication ne permet de vérifier l’ampleur des dégats. Mais il ne serait pas surprenant.
Nous avions expliqué il y a un un an l’enjeu électoral de la loi Hadopi en évoquant la prise de position timide mais réelle du Parti Socialiste, par rapport à la désertion totale de François Bayrou – qui selon nous en ne montant pas au front contre Hadopi a totalement coupé les racines qu’il avait réussi à implanter sur Internet lors du débat de la loi DADVSI, avant les présidentielles :
(…) le Parti Socialiste réalisera enfin que la défense des valeurs républicaines est au moins aussi importante pour leur électorat que la possibilité d’afficher en période électorale le soutien de Mireille Mathieu, de Luc Besson ou de Johnny Hallyday.
C’est toutefois déjà bien mieux que le MoDem de François Bayrou, qui a choisi d’ignorer totalement le sujet, et d’oublier dans le désert ces bédoins d’internautes qui avaient pourtant largement contribué à porter le leader centriste très proche des sommets lors des précédentes élections présidentielles. Mais peut-être François Bayrou estime-t-il qu’il n’est pas si grave de privatiser la recherche des infractions, ou de condamner à la chaîne (jusqu’à 1000 par jour !) des coupables présumés sans qu’ils aient les moyens juridiques ou matériels de prouver leur innocence ? Nous en doutons. Mais il faudra qu’il le démontre.
La loi Hadopi n’a en tant que telle aucune importance pour les élections régionales. Mais la manière dont la riposte graduée a été défendue par le gouvernement, la manière dont les élus UMP l’ont voté fièrement même lorsqu’ils étaient contre, le dédain exprimé à l’encontre du Parlement Européen et de la société civile (à de nombreuses reprises), l’obstination à ne pas vouloir entendre les argumentations contre Hadopi, et à censurer ses propres troupes de jeunes qui l’avertissaient du danger… tout cela a donné de l’UMP l’image d’un parti politique sourd et aveugle, adepte d’une doctrine sans aucun sens moral ou éthique, sans respect ni de la justice ni du bon sens.
Ca n’est pas quantifiable en points perdus par l’UMP. Mais ça a beaucoup contribué à alimenter dans l’inconscient collectif la réprobation d’un parti qui ne semble plus guidé par aucune autre valeur que l’obédience aux puissances financières et médiatiques. Or si Internet n’a pas d’idée politique, il nous semble que s’y exprime massivement une conscience politique humaniste beaucoup plus présente que dans la société traditionnelle. Un humanisme dont l’Hadopi fut le parfait contre-exemple.
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