Contre l’avis du gouvernement qui a essayé tant bien que mal de détricotter l’ensemble du texte, les sénateurs ont adopté mardi la proposition de loi des sénateurs Anne-Marie Escoffier et Yves Détraigne, « visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique« . Le texte dont nous avions déjà fait l’analyse, qui devra désormais passer dans les mains des députés, est une traduction législative du rapport qu’ils avaient remis en mai 2009.
Le rapport listait une série de 15 recommandations pour mieux protéger la vie privée des internautes, dont une partie importante figure à la proposition de loi. D’autres, en revanche, ne sont pas transposées. On constate ainsi l’absence de création d’une redevance aquittée par les grands organismes publics et privés au bénéfice de la CNIL, ou de la réunion sous la seule autorité de la CNIL de l’ensemble des compétences d’autorisation et de contrôle en matière de vidéosurveillance (ce qui sur ce point est logique, puisque la loi Loppsi téléscope cette idée en créant une « Commission nationale de vidéosurveillance », justement pour court-circuiter la CNIL). Enfin la recommandation d’une création d’un « droit à l’oubli » n’a pas été transcrite dans la proposition de la loi. Il devait permettre à un internaute d’obtenir par voie judiciaire la suppression de messages passés en démontrant « par exemple que les faits ou les propos rapportés ne correspondent plus à son mode de vie ou à ses opinions et qu’ils lui causent un un préjudice dans sa vie familiale ou professionnelle« .
Dans sa version votée hier, le texte commence de manière symbolique par un article 1er sur l’enseignement de la protection de sa propre vie privée à l’école. « Les élèves sont formés afin de développer une attitude critique et réfléchie vis-à-vis de l’information disponible et d’acquérir un comportement responsable dans l’utilisation des outils interactifs, lors de leur usage des services de communication au public en ligne« , commence ainsi l’article. « Ils sont informés des moyens de maîtriser leur image publique, des dangers de l’exposition de soi et d’autrui, des droits d’opposition, de suppression, d’accès et de rectification prévus par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, ainsi que des missions de la Commission nationale de l’informatique et des libertés« . Un enseignement qui viendra compléter, entre autre, celui imposé par la loi Hadopi sur les « dangers du téléchargement ».
La proposition de loi veut également mettre fin à une jurisprudence incertaine en France sur le statut juridique de l’adresse IP. « Tout numéro identifiant le titulaire d’un accès à des services de communication au public en ligne est (une donnée à caractère personnel) » dont la collecte devra faire l’objet d’une autorisation préalable de la CNIL. En pratique, cette disposition ne devrait pas changer grand chose. Il était déjà prévu que la CNIL donne son aval, par exemple, pour la collecte des adresses IP sur les réseaux P2P, indispensable à la mise en œuvre de la riposte graduée.
Le texte impose par ailleurs la désignation d’un « correspondant informatique et libertés » dans toute « autorité publique ou organisme privé » dans laquelle au moins 100 personnes ont accès à un fichier de données personnelles. La CNIL aura un droit de véto sur la désignation de ce correspondant, s’il n’a pas les compétences requises.
Il facilite aussi l’exercice des droits d’accès, de rectification et de suppression des données personnelles, en rendant obligatoire la possibilité de saisir le correspondant par voie électronique et non plus uniquement par courrier.
Globalement, le texte renforce les pouvoirs d’autorisation et de contrôle la CNIL sur plusieurs points. Il impose notamment que la création d’un fichier de police ne puisse se faire qu’après « avis motivé et publié » de la CNIL.
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