Avant-hier, nous vous rapportions les réflexions de la Commission européenne sur l’éventualité d’une nouvelle directive liée à l' »exploitation et aux abus sexuels concernant des enfants et à la pédo-pornographie » (.pdf). Directement inspirée par le projet de loi LOPPSI actuellement débattu en France, cette proposition de directive permettrait d’imposer aux parlements nationaux des pays membres de l’Union européenne le principe d’un filtrage généralisé au niveau des fournisseurs d’accès à Internet.
L’article 21, intitulé « Blocage de l’accès aux sites internet contenant de la pédo-pornographie« , nous avait cependant interpellé. En effet, sa formulation était relativement confuse, puisqu’elle mêlait à la fois le principe de l’obligation de moyens, mais aussi l’obligation de résultat. : « les États membres prennent les mesures nécessaires pour obtenir le blocage de l’accès par les internautes sur leur territoire aux pages internet contenant ou diffusant de la pédo-pornographie« .
Seul problème, le texte ne s’intéresse qu’aux seules pages Internet (comprendre : les pages web), laissant de côté tous les autres protocoles de transfert et tous les autres ports (le trafic HTTP transite par défaut sur le port 80). Dès son champ d’application – et son efficacité – s’en trouve considérablement réduit. À quoi bon vouloir filtrer Internet si c’est pour omettre tout le reste des flux et des protocoles de communication ?
C’est que filtrage annoncé est d’une hypocrisie sans borne, selon une association allemande spécialisée dans la lutte contre la maltraitance des enfants. Repérée par le bloggueur Bluetouff, la réaction du président de MOGIS (MissbrauchsOpfer Gegen InternetSperren) est très nette : « les États membres de l’UE sont sur le point de se voir contraints de bloquer l’accès à certains sites Web, en utilisant une liste secrète de blocage, échangée par les forces de police sans aucune participation des systèmes de justice des États membres« .
« Les États membres de l’Union Européenne obligeront leurs fournisseurs d’accès à manipuler la résolution de noms de domaines (DNS) pour leurs citoyens, en se fondant sur cette liste secrète de sites à bloquer. Pour mettre en œuvre cette infrastructure, les fournisseurs d’accès à Internet doivent modifier leur infrastructure principale (le serveur de noms). Une fois que le dispositif de blocage a été mis en œuvre, il peut être utilisé pour limiter l’accès à n’importe quel site web » a poursuivi Christian Bahls, le président de l’association.
Si la « représentation d’abus sexuels sur les enfants » (selon la terminologie utilisée par MOGIS) existe bien sur le web, ce dernier n’est qu’un canal de distribution parmi d’autres. Or, la directive actuellement réfléchie à Bruxelles ne semble pas prendre en compte les technologies peer-to-peer ou encore le courrier électronique. Pour preuve, le contact allemand de INHOPE a noté que seules 449 plaintes sur 2 562 portaient sur des contenus disponibles sur le web. Moins de 18 % des plaintes, en somme.
Peut-être serait-il temps que les gouvernants se demandent pourquoi les associations comme MOGIS s’opposent au filtrage bête et méchant du web. Non pas qu’il ne faille pas lutter contre ces contenus, mais le simple blocage technique ne résoudra pas le problème. Il faut agir à la source, en retirant les contenus directement sur les serveurs et en arrêtant les producteurs et les distributeurs de ce genre de contenus.
Et ce n’est pas la première fois que des organisations de ce genre s’opposent à cette « solution ». L’année dernière, nous avions évoqué le ralliement de quelques associations de protection de l’enfance à un collectif de lutte contre la censure sur Internet pour dénoncer le blocage des sites pédophiles que le gouvernement australien ordonne aux FAI. Pour eux, non seulement le procédé est coûteux, mais en plus elle est une porte ouverte idéale à toutes les dérives. Et comble de l’affaire, la mesure est totalement inefficace pour la protection des enfants abusés sexuellement.
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