Contrairement au système français où les sanctions pénales sont déterminées de manière limitative par la loi, aux Etats-Unis les juges ont une certaine marge de manœuvre et peuvent « inventer » de nouvelles peines, dont la validité est ajustée au fil de la jurisprudence. Or la question se pose depuis plusieurs années de savoir si les juges peuvent accompagner leurs sanctions d’une interdiction générale d’aller sur Internet, notamment à l’encontre des délinquants sexuels qui seraient tentés d’aller chercher « leur proie » sur le réseau.
Sur ce point, la jurisprudence n’est pas encore totalement stable, mais tend à reconnaître l’utilisation d’Internet et d’un ordinateur comme une liberté fondamentale à laquelle on ne peut pas porter atteinte de manière disproportionnée. Une cour d’appel fédérale basée à Atlanta avait confirmé le 24 août 2009 (.pdf) un jugement qui impose une interdiction à vie d’utiliser Internet, mais en janvier dernier la cour d’appel fédérale basée à Philadelphie a au contraire renversé un jugement similaire (.pdf), en estimant la mesure trop « draconienne ». Au début du mois, comme le rapporte Wired, une autre cour d’appel basée à Columbia a elle aussi jugé qu’une interdiction générale d’utiliser un ordinateur imposée à un délinquant sexuel pour une durée de 30 ans était illégale au regard de la Constitution américaine. Elle a jugé que le bannissement étant « substantiellement déraisonnable« , et qu’il « interfère gravement avec l’objectif de réhabilitation » de la justice. Les juges ont notamment reconnu qu’au 21ème siècle, une interdiction d’utiliser un ordinateur revenait à interdire au condamné de travailler dans un bureau, ou même dans des industries qui demandent l’usage d’un ordinateur pour des tâches basiques comme la mise à jour d’un inventaire.
Comme le rappelle Techdirt, le débat n’est pas nouveau. Déjà en 2002, une cour d’appel avait renversé un jugement qui condamnait un pédocriminel à ne pas utiliser d’ordinateur, et plusieurs jugements similaires ont été dans le même sens depuis. Celui de la cour d’Atlanta semble faire office d’exception, jusqu’à ce que la Cour Suprême stabilise peut-être définitivement un jour la jurisprudence.
En France, où la loi Hadopi va pourtant loin, le législateur s’est gardé d’aller jusqu’à interdire à un individu d’accéder à Internet. La loi anti-piratage peut certes interdire à un individu de souscrire en son nom un abonnement à Internet, pendant une période limitée, mais elle n’interdit pas à ce même individu d’accéder à Internet depuis un cybercafé,depuis l’ordinateur d’un ami ou celui d’un voisin. Christine Albanel l’avait d’ailleurs souvent rappelé aux parlementaires pour défendre son projet de loi. Elle prétendait que le fait de pouvoir accéder à Internet était une liberté fondamentale, mais pas le fait de souscrire soi-même un abonnement. L’argumentation n’avait cependant pas convaincu le Conseil constitutionnel, qui a estimé que même le fait d’avoir chez soi un accès à Internet était une liberté fondamentale à laquelle seul un juge pouvait contrevenir, en veillant au caractère proportionné de la décision.
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