C’est ce lundi que reprend à Welligton, en Nouvelle-Zélande, la négociation sur le très controversé Accord de commerce anti-contrefaçon (ACTA). L’accord doit durcir les sanctions en matière de contrefaçon et l’application des lois de propriété intellectuelle dans le monde, en essayant notamment d’obtenir la complicité active des intermédiaires techniques sur Internet. Mais alors que les conséquences législatives les plus redoutables sur le droit européen relatif au numérique devraient rester relativement modestes par rapport aux premières inquiétudes (voir à ce sujet notre FAQ), c’est surtout la philosophie du traité et ses conséquences diplomatiques qui inquiètent. Plus les négociations avancent, plus il apparaît en effet que le réel but recherché par les pays initiateurs de l’accord n’est pas tant de bouleverser dès maintenant la protection de la propriété intellectuelle que de créer une nouvelle organisation internationale, qui imposera la vision occidentale de la propriété intellectuelle au reste du monde.
Après sept premiers rounds de négociation organisés dans différents pays, c’est la Nouvelle-Zélande qui accueille aujourd’hui et jusqu’à vendredi les négociateurs internationaux. Le climat autour de l’ACTA n’a jamais aussi été tendu, la question de la transparence étant au coeur des préoccupations.
« Il n’y a aucun moyen d’influencer ou de vérifier le travail des négociateurs ACTA« , proteste ainsi Jérémie Zimmermann, porte-parole de la Quadrature du Net, omniprésent sur le dossier. « L’une après l’autre, les fuites montrent qu’ils ont l’intention d’imposer de dures sanctions contre les citoyens et une réelle insécurité juridique aux acteurs d’Internet. De cette manière, ils restreindraient la protection de la vie privée, la liberté d’expression ainsi que l’accès au savoir et aux technologies de par le monde. Le déni de réalité et l’hostilité à l’encontre de l’intérêt général qui ont été affichés jusqu’à présent sont intolérables. »
PublicACTA, un mouvement ad hoc opposé à l’accord, a publié ce week-end sa « déclaration de Wellington » qui exige notamment la publication des textes de négociation, des études d’impact, et une participation du public. Elle a déjà reçu plus de 4000 signatures, et des manifestations sont également prévues autour de l’hôtel où se réunissent les négociateurs.
Pour mettre fin à ce qu’elle assure n’être que des « rumeurs » infondées, la Commission Européenne a promis à plusieurs reprises ces dernières semaines qu’elle demanderait la publication des textes issus du huitième round de négociation à Wellington, mais sans grande conviction. Pour que les documents de travail soient publiés, il faudra en effet obtenir l’unanimité des pays négociateurs. Or au moins les Etats-Unis devraient continuer à s’y opposer.
Dans un communiqué, le représentant américain au Commerce a ainsi estimé que »des progrès sont nécessaires pour que nous puissions nous préparer à sortir un texte« , et il a immédiatement conditionné la publication du texte à un avancement des négociations sur le fond. En clair, les Etats-Unis n’accepteront de rendre l’ACTA public que lorsque les signataires auront rejoint ses positions, et que n’apparaîtront donc pas publiquement les positions alternatives.
L’agenda des négociations de Welligton prévoit cinq journées complètes de négociation, mais la question de la transparence et donc de la publication du texte ne sera abordée que lors d’un créneau d’une heure et demi en début de cinquième journée. Mais ce créneau d’une heure et demie est consacré en priorité à résoudre les problèmes qui auraient été laissés en chantier lors des quatre précédentes journées… C’est dire s’il ne restera plus beaucoup de temps pour débattre de la publication d’un texte. Il faudrait être doué d’un fort optimisme pour imaginer que l’on puisse se baser sur autre chose que des fuites à l’issue de la négociation néo-zélandaise.
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