Mise à jour : rétropédalage en règle ce jeudi matin. Le gouvernement, déterminé à faire adopter son projet de loi, a fait savoir qu’il demanderait son inscription à la session parlementaire extraordinaire de septembre.
Article du 5 mai 2005 – Faut-il y voir l’effet de l’avis assassin publié récemment par la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme ? Le président du Sénat Gérard Larcher a annoncé mercredi à l’occasion d’une conférence de presse que l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi) était reporté, officiellement en raison d’un calendrier parlementaire trop chargé. Adopté par les députés en février dernier, le texte est remis par le Sénat dans un tiroir en compagnie d’un autre texte très controversé, le projet de réforme de la procédure pénale. Deux projets de loi qui ne sont d’ailleurs pas sans rapport l’un avec l’autre.
Le projet de loi Loppsi prévoit en effet de confier à un magistrat indépendant, le juge d’instruction, l’encadrement des mouchards que la police judiciaire pourra installer dans le cadre de certaines enquêtes sur les ordinateurs des suspects. Or la réforme de la procédure pénale propose justement la suppression du juge d’instruction au profit du procureur de la République, qui reçoit ses instructions de la Chancellerie.
Entre autres mesures importantes, la Loppsi prévoit la possibilité pour l’administration d’exiger auprès des fournisseurs d’accès à Internet le blocage de l’accès à des sites Internet pédopornographiques, après avis de l’autorité judiciaire. Officiellement, il s’agit de protéger l’internaute qui pourrait fortuitement accéder à ces sites s’ils n’étaient pas généreusement bloqués. Officieusement, la pédophilie est en fait instrumentalisée, puisqu’il est socialement inacceptable de s’opposer à une loi qui sanctionne le viol des enfants. S’opposer au filtrage de la pédophilie, c’est s’opposer à la lutte contre la pédophilie. Laquelle sert de serrure pour ouvrir la porte d’un filtrage plus généralisé. Un lobbyiste suédois le confessait encore ce mois-ci : « la pédopornographie c’est génial (…) en jouant cette carte, nous pouvons faire que les politiques agissent, et commencent à bloquer des sites« .
On aurait pu en revanche regretter que le délit d’usurpation d’identité sur Internet soit retardé par le report de la Loppsi. Mais sa transformation en délit d' »usage de données de toute nature permettant d’identifier » un tiers, extrêmement dangereux dans sa formulation, fait que son report est au contraire là aussi un soulagement.
Gérard Larcher n’a pas indiqué de nouveau calendrier pour l’examen du texte, mais il a prévenu qu’il était peu probable qu’il puisse être examiné avant la fin de l’année, étant donné l’embouteillage législatif. De là à penser que le projet restera encore longtemps dans les placards, il n’y a qu’un pas. La Loppsi avait été déterrée par Michèle Alliot-Marie en 2008, alors qu’il traînait dans les cartons depuis plus d’un an.
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