Avec Second Life, Linden Lab a créé une économie parallèle basée sur la vente de terrains et d’objets virtuels, et initié un véritable casse-tête juridique. Les Linden Dollars sont convertibles en véritable monnaie, et permettent aux habitants de Second Life de s’acheter des terrains pour y construire des propriétés et des commerces, qu’ils font fructifier par la vente d’affichage publicitaires ou d’équipements. Certains en ont fait un véritable business, comme cette agence qui avait acheté la ville de Paris. Mais sont-ils véritablement propriétaires ?
Pour attirer les investisseurs, Linden Lab a toujours dit aux utilisateurs qu’ils étaient propriétaires de ce qu’ils achetaient et construisaient sur Second Life. Mais le service a modifié au mois de mars ses conditions contractuelles, pour préciser la nature juridique de la « terre virtuelle » qu’il vend.
Il s’agit, selon le nouveau paragraphe 6, d’une « représentation graphique d’un monde virtuel tri-dimensionnel« , et « lorsque vous faites l’acquisition de la Terre Virtuelle, vous obtenez une licence limitée d’accès et d’utilisation de certaines fonctionnalités du service associé à la Terre Virtuelle stockée sur nos serveurs« . Il n’est donc plus question d’un droit de propriété au sens strict, mais bien d’une licence et donc d’une location révocable à tout moment, et limitée au cadre d’utilisation fixé par Linden Lab.
Une telle interprétation semble assez évidente, mais elle est contestée devant les tribunaux par quatre plaignants qui ont décidé d‘ouvrir une class action aux Etats-Unis le mois dernier. Ils s’estiment victimes d’une expropriation de la part de l’éditeur, et réclament au moins 5 millions de dollars de dommages et intérêts. Ils demandent qu’un droit de pleine propriété leur soit reconnu, ce qui serait une première en matière de biens virtuels.
Ca n’est pas la première fois que Second Life a affaire à ce type de demandes. En 2007, un avocat qui se disait propriétaire de terrains sur SL avait déjà exigé de Linden Lab 8.000 $ de dommages et intérêts après que l’éditeur lui a retiré ses titres de propriété. Linden Lab avait constaté une fraude dans leur acquisition, mais l’avocat disait que l’éditeur n’avait pas le droit de l’exproprier. L’affaire n’a finalement jamais été jusqu’aux tribunaux, ce qui n’a pas permis d’établir une jurisprudence.
Sur son blog, Calimaq analyse cette affaire du point de vue de l’équilibre entre les droits des consommateurs-contributeurs aux services en ligne, et ceux des éditeurs de services. Il constate qu’il est monnaie courante pour les services de modifier en cours de route leurs conditions d’utilisation pour s’approprier le travail des utilisateurs. Selon lui, il faudrait « non pas à garantir aux usagers un titre de propriété sur les contenus qu’ils produisent, mais faire en sorte, au contraire, que personne ne puisse s’approprier définitivement le fruit de l’intelligence collective et des interactions nées du partage et de l’échange« . Une réflexion pleine de bon sens.
Calimaq avait aussi analysé dans un autre billet passionnant les modifications faites par Second Life sur les droits relatifs aux avatars et autres créations virtuelles. Les CGU « indiquent à présent que les résidents de l’univers acceptent de se conférer les uns les autres une licence pour reproduire, diffuser, modifier et créer des œuvres dérivées à partir de tous les éléments qui apparaissent dans les espaces publics de l’univers« . Pour réserver des droits sur une création, il faut que les utilisateurs les conservent dans des espaces privés, accessibles uniquement après autorisation et donc après approbation des conditions spécifiques à leur terrain. Un renversement total de la logique traditionnelle du droit d’auteur, dont le monde « physique » aurait sans doute bien besoin de s’inspirer.
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