Le format vidéo VP8 libéré par Google et versé au projet WebM est, en tout cas pour le moment, technologiquement inférieur au H.264. Mais la bataille avec le format propriétaire ne se joue pas sur le plan technologique…

Comme nous l’indiquions mercredi, Google s’est associé à Mozilla et Opera pour imposer le format VP8 comme standard pour la publication de vidéos sur les pages HTML 5. Autrefois propriétaire, le format a été versé avec son code source sous licence libre au projet WebM, qui associe le VP8 à l’Ogg Vorbis, dans un conteneur Matroska.

Il n’aura pas fallu attendre longtemps pour que le format soit dénigré. L’excellent « journal d’un développeur x264 » a publié dès hier une analyse technique du VP8 et de ses spécifications, qui conclut en substance que le VP8 n’est qu’une pale copie du H.264, en moins bien. Il reconnaît qu’il est meilleur que Theora et Dirac, les deux principales tentatives de codecs vidéos open-source émergées jusque là, meilleur que le H.264 Baseline Profile et le VC-1, mais très loin des H.264 Main Profile et High Profile (pour un aperçu des différences entre les « profiles », rien de mieux que Wikipedia).

Nous n’avons pas ici les compétences techniques pour apprécier la qualité des arguments donnés par le développeur (nous vous laissons faire bien mieux que nous dans les commentaires), qui semblent cependant à la fois mesurés et crédibles. Mais qu’importe, l’enjeu du VP8 et du projet WebM n’est pas tellement dans sa qualité technologique.

Les meilleurs technologiquement ne sont pas toujours les vainqueurs commercialement. Les cassettes VHS se sont imposées au détriment du Betamax, dont les qualités techniques étaient bien supérieures.

La force d’un format, c’est sa capacité à être adopté par suffisamment d’utilisateurs pour s’imposer comme un standard industriel de fait. L’enjeu du VP8 et du projet WebM est donc d’imposer comme standard industrie un format ouvert, inattaquable sur le terrain de la propriété intellectuelle.

Or c’est là que libérer les sources du VP8, un format très fortement inspiré du H.264, relève d’un certain génie. Les arguments des partisans du MPEG-LA et du H.264 contre Vorbis et Dirac ont toujours été, outre les critiques technologiques, le risque de voir d’obscures sociétés brandir leurs brevets une fois le format largement adopté par l’industrie. Mais si le VP8 copie le H.264, les brevets que sont susceptibles de brandir des industriels sont certainement ceux qui couvrent le H.264. Or ce dernier n’a jamais été attaqué, même s’il représente déjà plus d’un quart du marché sur le web.

Dès lors, il faudrait que ce soient les industriels du MPEG-LA qui poursuivent WebM. Or non seulement il faudra oser attaquer Google et ses milliards de dollars de chiffre d’affaires (et démontrer alors que tout le beau discours d’ouverture d’Apple était mensonger), mais il faudra surtout prendre le risque d’en subir les conséquences commerciales. Comme nous le disions hier, la licence de WebM retire tous les droits d’utilisation du format à ceux qui intenteraient des poursuites en violation de brevets contre une implémentation de WebM, ou qui ne feraient même qu’apporter leur soutien à une procédure judiciaire.

Or quel industriel de premier plan pourrait se permettre, par exemple, de retirer du marché tous ses appareils qui utilisent le système Android, bientôt fourni avec un décodeur WebM ?

Quid de l’iPad si Google décidait d’abandonner le H.264 sur la version HTML 5 de YouTube, au profit du seul WebM ? La tablette d’Apple n’acceptant pas non plus le format Flash, elle deviendrait incapable de lire les vidéos du premier site de vidéos au monde. Comme les iPhone, iPod et autres appareils mobiles à venir de la firme de Cupertino.

Le VP8 n’apporte aucune garantie solide qu’il ne viole aucun brevet. Mais sa licence est une assurance vie dans le bras de fer qui s’annonce.

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