Toutes les industries culturelles ont flairé le bon plan, même l’industrie pornographique. Pourquoi prendre des risques lorsque l’on peut les faire supporter à ses propres clients ? Surfant sur le succès du modèle qui a fait la gloire de Grégoire, le label participatif MyMajorCompany s’est associé aux éditions XO pour lancer l’édition de livres participative : MyMajorCompany Books. Ce qui n’est pas un hasard : l’édition littéraire est une industrie qui pèse quatre fois plus lourd en chiffre d’affaires que l’édition musicale. En France, c’est plus de 4 milliards d’euros annuels.
Avec MMC Books, l’éditeur qui se désintéresse presque en totalité de son rôle artistique laisse les internautes décider eux-mêmes des auteurs qui feront les succès de demain, en leur proposant d’acheter des parts de leurs prochains best-sellers. Jusqu’à 50 parts de 10 euros par investisseur et par auteur. A partir de 20.000 euros réunis, l’auteur plébiscité signe un contrat d’édition avec XO, et la commercialisation du livre commence. Ensuite, tous les « co-éditeurs » se partagent 25 % des revenus nets générés par la vente du livre en librairie, et 5 % sur les cessions de droits (éditions poche, traductions, adaptations cinématographiques…).
Pour MyMajorCompany et XO, les avantages sont énormes : il n’y a plus aucun risque financier dans le lancement d’un nouvel auteur ; la promotion du livre est assurée par l’écrivain et par tous ses investisseurs ; il est presque garanti que le livre sera bien accueilli puisque les investissement se concentrent mécaniquement sur les œuvres les plus grand public ; toutes les sommes récoltées pour les nombreux auteurs de la plate-forme peuvent être valorisées par des placements financiers (il faut juste débloquer 20.000 euros de temps en temps)…
Un tel modèle économique est en principe assuré d’une très forte rentabilité… pour ses promoteurs (quoique Spidart a réussi à faire faillite…). Pour les auteurs et les investisseurs, en revanche, c’est autre chose. Si comme au casino la banque est assurée de l’emporter à tous les coups, c’est beaucoup moins sûr pour les auteurs qui commencent par ne pas voir un seul centime des 20.000 euros qu’ont versé ses fans.
« Les 20.000 € sont intégralement consacrés aux frais d’édition de l’ouvrage (lecture, corrections, mise en forme, conception graphique de la couverture), aux coûts de fabrication proprement dits de l’ouvrage dont le tirage sera au minimum de 10.000 exemplaires (achat du papier, impression, reliure, conditionnement et transport vers le distributeur) et à l’ensemble des coûts engagés pour la préparation de la sortie de l’ouvrage (notamment actions de lancement auprès de la presse)« , précise la FAQ.
L’argent gagné par l’auteur dépendra donc exclusivement des ventes, dont il devrait toucher autour de 10 % du prix hors-taxe. Elles seront probablement très fortes pour le premier auteur produit, comme ça avait été le cas pour Grégoire qui avait bénéficié d’un matraquage médiatique impressionnant grâce au partenariat avec Warner Music Group. Les éditeurs XO mettront tout en œuvre pour assurer la promotion du premier auteur, qui fera par la même occasion la promotion de la plate-forme. Il suffit de voir les premiers auteurs sélectionnés par MMC Books, sur lesquels des sommes importantes ont déjà été investies, pour remarquer qu’ils ont toutes des « gueules à passer à la TV ». Ca n’est certainement pas un hasard.
Mais il faut rappeler que malgré la couverture médiatique et radiophonique très importante dont il a bénéficié, les recette engendrées par l’album de Grégoire ont été très modestes, pour l’auteur et les investisseurs. On peut imaginer que les suivants, beaucoup moins exposés, rapportent beaucoup moins. Plus encore que dans la musique, les candidats au best-seller sont extrêmement nombreux dans l’édition littéraire. Les élus, en revanche, sont rarissimes.
La seule chose qu’est certain de gagner l’auteur qui réunit ses 20.000 euros, c’est un contrat qui donne à XO le contrôle de son œuvre, et l’empêchera de la faire connaître par exemple sous licence libre. Le reste relève surtout du fantasme, ou de la chance digne de la loterie nationale.
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