Le producteur-réalisateur Luc Besson avait été parmi les soutiens les plus engagés sur le front de la riposte graduée, en comparant certaines plate-formes à des dealers de drogue. Il avait même regretté la décision du Conseil constitutionnel de confier à un juge le soin de vérifier la fiabilité des preuves du piratage et la proportionnalité des sanctions, en assurant que la solution antérieure était préférable pour les internautes. « Les gens ne se rendent pas compte que ce que propose le Conseil est pire« , avait-il réagi. « Là maintenant il y a un juge qui va venir, et qui va mettre des amendes, parce qu’un juge ça coûte de l’argent à l’Etat, et obligatoirement il y aura des amendes et ça va coûter très cher aux internautes. La solution avant était bien meilleure, pour eux« . Nous verrons s’il avait raison, et nous sommes prêts à ouvrir les paris.

En attendant, la société EuropaCorp de Luc Besson s’est associée à Orange pour lancer ce vendredi le site WeAreProducteurs.com, qui propose aux internautes de « participer à toutes les étapes de la production d’un film EuropaCorp, depuis sa conception jusqu’à sa sortie en salles« , prévue à l’automne 2011.

A partir de la diffusion de cinq synopsis de genres différents, les membres éliront début juillet leur scénario préféré, et le film choisi sera mis en production. Ils pourront alors « voter sur des points clés tels que l’élaboration du scénario, les options de réalisation, le choix du casting ou de la bande sonore, etc.« .

A la manière de MyMajorCompany, qui lançait hier son dérivé pour l’édition de livres, WeAreProducteurs donnera aussi la possibilité aux internautes d’investir financièrement dans la production du film, et de recevoir en retour une partie des recettes. Un modèle déjà expérimenté depuis deux ans par Kassandre (ex-Ralamax) dans le cadre du cinéma libre. Les plus mesquins se souviendront peut-être que c’est d’ailleurs suite à une bataille d’idées avec Kassandre que Luc Besson avait fermé son compte Facebook.

« Un film gratuit c’est un film mort ! Sans recettes il est impossible de lever les budgets pour développer les meilleurs projets et convaincre les investisseurs ! Je veux bien que le prix d’une place de cinéma soit chère mais ce n’est pas une raison pour voler une œuvre !« , avait écrit le réalisateur avant de claquer la porte.

Sans aller jusqu’à produire des films sous licence libre, Luc Besson semble en tout cas aller dans la meilleure direction possible avec ce projet. Les années de diabolisation de l’échange des œuvres par les internautes n’ont servi qu’à délabrer l’image de marque des maisons de disques et des studios de cinéma, et à détruire le respect que le public leur porte. Ce type d’initiative, quelles que soient ses motivations réelles, ne peut que contribuer à redonner au public une part de respect pour les œuvres. Car elles seront aussi, un peu, les leurs.

Aucune politique anti-piratage ne pourra fonctionner, aucune offre légale ne sera attractive, tant que les professionnels de la création ne redonneront pas cette envie au public de respecter les œuvres. On ne peut pas davantage ordonner aux internautes de respecter les producteurs de cinéma que l’on peut ordonner à une femme d’aimer un homme (ou inversement). Il faut en permanence s’efforcer de séduire.

Or en matière de séduction, l’Hadopi combine mauvaise haleine, discussion soporifique et panne sexuelle.

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