Depuis quelques années, la lutte contre le téléchargement illicite s’est principalement manifestée par des actions en justice de la part des ayants droit. Ces procès, plus ou moins médiatisés, ont évidemment su profiter d’une activité législative très favorable, notamment avec la mise en place de la loi Hadopi et de son système répressif.
°videmment, une telle stratégie comportait un risque pour les industries du divertissement : celui de s’aliéner durablement de nombreux internautes convertis aux échanges non-marchands sur les réseaux peer-to-peer. Conscients que ces pirates étaient aussi des consommateurs potentiels, les ayants droit ont cherché à ménager la chèvre et le chou et ont régulièrement lancé des campagnes de sensibilisation pour rappeler les risques engendrés par le piratage.
Ainsi, depuis une bonne demi-douzaine d’années, on assiste périodiquement à des campagnes plus ou moins réussies sur le sujet. Sans prétendre à une liste exhaustive, nous nous souvenons des spots « hey craignos, la musique c’est pas gratos !« , du site LesTéléchargements.com, du clip « Gérard le Vaut-Rien« , des pétitions issus du monde artistique, du site J’aimeLesArtistes.fr, des bandes-dessinées américaines et du parallèle audacieux entre lutte contre le piratage et sécurité routière.
L’une des plus connues, « You wouldn’t steal a… » (vous ne voleriez pas un / une), a d’ailleurs eu son heure de gloire, puisqu’elle a été massivement détournée par les internautes. Pour mémoire, celle-ci cherchait à mettre en avant les contradictions du piratage face au vol d’objets matériels. Ainsi, les ayants droit essayaient de montrer le décalage entre le téléchargement illégal et le vol d’un sac, d’une télévision ou même d’une voiture. Et d’essayer d’assimiler le téléchargement illicite pour du vol.
Avec le temps, on aurait pu croire que les ayants droit se soient découragés devant le faible écho favorable de ces campagnes auprès des internautes. Mais Torrenfreak nous apprend qu’une nouvelle tentative a vu le jour, et celle-ci va bien plus loin dans la culpabilisation des téléchargeurs. Et cette fois, c’est une publication musicale chinoise, RE:SPECT, qui à l’origine de cette campagne.
Concrètement, il s’agit d’un faux site web de piratage, où les internautes peuvent a priori récupérer en toute impunité les derniers hits d’artistes de premier plan, comme Madonna, The White Stripes, Amy Winehouse, Blur, Gorillaz, Jason Mraz ou encore Moby. Bien entendu, pour les besoins de la campagne, il s’agit de sosies.
Mais là où la campagne va vraiment loin, c’est dans le message adressé aux internautes. En surfant sur le site, on se rend vite compte qu’en essayant de récupérer les musiques proposées, chaque action entreprise par l’internaute donne droit à une animation sanglante avec pour finalité l’exécution de l’artiste. En d’autres termes, le piratage tue l’artiste. Au sens littéral du terme.
Comme le remarque avec malice Torrentfreak, il est tout à fait curieux de voir Moby (ou plutôt son sosie) participer à cette campagne. Sans doute que les responsables de RE:SPECT n’ont pas eu vent des positions anti-RIAA que l’artiste a exprimé l’année dernière, à l’occasion de la condamnation très lourde Jammie Thomas (1,92 million de dollars pour 24 morceaux téléchargés sur Kazaa). Pour mémoire, l’artiste avait souhaité voir la RIAA démantelée.
À propos d’exécution, cette campagne anti-piratage nous rappelle les propos complètement fous de Fran Nevrkla, l’actuel président de la Phonographic Performance, une société de gestion en charge de plusieurs milliers d’artistes et de labels. Celui-ci aurait déclaré, selon Cory Doctorow, regretter la fin de la peine de mort au Royaume-Uni.
« Merci David, et je vous remercie de mettre certains de ces pirates derrière les barreaux. Je sais malheureusement que la peine capitale a été abolie dans ce pays il y a une cinquantaine d’années, et c’est bien dommage, mais quelques années en prison c’est déjà pas si mal…« .
À ce niveau-là, effectivement le piratage aurait pu tuer. Mais pas ceux que l’on croit.
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