La riposte graduée risque de ne faire bientôt plus peur à personne au rythme où elle se met en place. C’est en substance le discours qu’a tenu le directeur général du SNEP, devant les multiples embûches sur le chemin du dispositif anti-piratage. Et de se demander si, comme en Suède, les internautes français ne vont pas finir par ignorer les menaces de la Haute Autorité.

Les internautes français vont-ils finir par avoir la même réaction que leurs homologues suédois ? C’est la crainte qu’ont exprimé récemment les ayants droit favorables à la loi Hadopi. En effet, la mise en place d’un dispositif anti-piratage n’a connu que des déboires depuis que le gouvernement a fait de ce sujet son cheval de bataille.

Et les exemples ne manquent pas. Le calendrier d’abord. Alors qu’elle était encore en place au ministère de la culture, Christine Albanel avait promis que l’envoi des premiers messages d’avertissement contre les internautes suspectés de partager des œuvres protégées débuterait dès le début de l’année 2009. Un an et demi plus tard, force est de constater qu’aucun courrier n’a été envoyé. En réalité, la date n’a pas cessé d’être repoussée : juin 2009 d’abord, puis mars 2010 avec la promesse d’un rythme de croisière à hauteur de 10 000 mails par jour.

Lorsque le successeur de Christine Albanel est arrivé rue de Valois, le calendrier avait été encore modifié. Frédéric Mitterrand a alors évoqué le début de l’année 2010, pour finalement citer le mois de juin. Désormais, il est question du mois de juillet voire de l’automne 2010. Ces multiples retards, couplés à d’autres problèmes, inquiètent désormais les professionnels de l’industrie musicale.

À l’Expansion, David El Sayegh, l’actuel directeur général du SNEP, a expliqué que « beaucoup de choses restent en suspens« , malgré les quelques avancées récentes, en référence à l’autorisation délivrée par la CNIL à quatre organismes pour collecter les adresses IP des internautes en infraction avec le droit d’auteur. Cependant, d’autres dossiers n’avancent toujours pas, à commencer par les décrets d’application. Sans eux, impossible pour l’instant de déployer toute la machinerie anti-piratage.

« Ca tarde et on ne comprend pas pourquoi » a-t-il déclaré. « Il est évident que cet effet psychologique initial d’Hadopi ne va pas durer si les internautes qui téléchargeaient retrouvent un sentiment d’impunité » s’est-il inquiété. Mais en la matière, le SNEP ne veut pas blâmer le gouvernement : « il n’y a pas de mécontentement, mais beaucoup d’expectative de notre part, des attentes qui se transforment en préoccupations« .

Et de la préoccupation, les ayants droit risquent fort d’en avoir si les internautes français finissent par adopter le même comportement que leurs homologues suédois. Lorsque la loi IPRED fut adoptée en Suède le 1er avril 2009, les fournisseurs d’accès avaient remarqué que le trafic global avait fortement chuté. Pour les ayants droit locaux, c’était le signe manifeste du succès de l’IPRED, véritable arme de dissuasion massive.

Sauf que deux mois plus tard, les mêmes FAI ont noté que la consommation de bande passante était repartie à la hausse. Pire encore, elle a atteint des seuils encore plus importants puisqu’elle a dépassé le niveau enregistré à la même période que l’année précédente. Bien entendu, il était difficile de dire si ce pic d’activité était uniquement dû à une reprise des échanges de fichiers ou s’il s’agissait d’une hausse plus générale, intégrant à la fois les réseaux peer-to-peer et des services très gourmands comme la vidéo en streaming.

Mais quelle que soit la nature de cette remontée du trafic Internet, les ayants droit étaient confrontés à un problème autrement plus grave : selon une étude menée l’année dernière, de moins en moins de Suédois associent le téléchargement illicite et le partage de fichiers comme du vol. Selon les conclusions de l’étude, à peine 30 % considèrent qu’un téléchargement équivaut systématiquement à une vente commerciale avortée.

Certes, le parallèle entre internautes suédois et français a ses limites. Il n’empêche. Toutes les initiatives autour de la loi Hadopi rencontrent d’importantes difficultés. La Carte Musique Jeune par exemple est financée presque à contre-coeur, à l’heure où l’austérité est dans tous les esprits. Et encore, il n’est même pas certain que ce projet survive, puisqu’on parle déjà de l’abandonner.

Même chose pour le logiciel de sécurisation. Les tâtonnements d’Orange en la matière ont mis en lumière les obstacles infranchissables qui vont se mettre sur la route de la Haute Autorité. Orange, qui proposait un logiciel de contrôle du téléchargement censé bloquer le trafic P2P a finalement suspendu sa commercialisation. Dans ces conditions, c’est à se demander en effet combien de temps l’effet psychologique de la Hadopi va durer.

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