Alors que la presse sur Internet était attaquée comme jamais par le gouvernement dans l’affaire Woerth, assimilée au « fascisme » par Xavier Bertrand, le ministre des affaires étrangères Bernard Kouchner organisait cette semaine au Quai d’Orsay une grande réunion internationale pour la défense de la liberté d’expression sur Internet.

Dans le grand déballage contre Mediapart et Internet orchestré par le gouvernement pour prendre la défense d’Eric Woerth et de Nicolas Sarkozy, il est un ministre que nous n’avons pas entendu piper mot : Bernard Kouchner. Déjà en préavis de départ selon les rumeurs, le ministre des affaires étrangères a dû se sentir particulièrement mal à l’aise cette semaine, au plus fort de l’affaire Woerth-Bettencourt.

Car au moment où les ministres faisaient bloc pour dénoncer les prétendues « méthodes fascistes » de Mediapart et les « médias aux relents d’extrême droite et de trotskisme mêlés« , en expliquant qu’un journaliste sur Internet ne pouvait pas être un vrai journaliste, Bernard Kouchner recevait jeudi au Quai d’Orsay une soixantaine d’invités, représentants de dix-sept gouvernements, d’ONG, d’entreprises et d’organisations internationales… pour défendre la liberté d’expression sur Internet.

La réunion était planifiée depuis le mois de mai et la rencontre entre Bernard Kouchner et son homologue néerlandais Maxime Verhagen, qui s’étaient mis d’accord pour faire de la France et des Pays-Bas les champions de la liberté d’expression en ligne. Elle devait concrétiser les grandes idées d’un « Internet universel, ouvert, fondé sur la liberté d’expression et d’association, sur la tolérance et le respect de la vie privée« , qu’avait défendu le ministre des affaires étrangères dans une tribune publiée à la fois par Le Monde et le New York Times.

« Les participants ont constaté le nombre croissant d’atteintes à la liberté d’expression sur Internet« , écrit la diplomatie française dans un communiqué publié le jour-même où la député UMP Muriel Marland-Militello prescrit une régulation (comprendre restriction) de la liberté de la presse. « Afin de lutter contre la négation, dans les nouveaux médias, de cette liberté fondamentale, ils sont convenus de la nécessité d’une mobilisation de tous les acteurs, étatiques et non-étatiques« , poursuit le communauté du Quai d’Orsay.

Il définit les quatre directions engagées par les travaux : coordonner ou mettre en réseau les initiatives existantes pour suivre les engagements des Etats en matière de liberté d’expression sur Internet ; mettre en œuvre des règles de responsabilité sociale (un code de conduite pour les entreprises exportatrice de technologies de filtrage et de brouillage) ; favoriser l’aide aux cyber-dissidents à travers les ONG ; et créer un statut juridique pour Internet proche d’un espace international.

Dans son discours d’ouverture de la réunion, Bernard Kouchner a souligné qu’avec « le développement d’Internet, jamais la liberté d’expression et de communication n’aura connue telle révolution ! (…) Un espace sans équivalent pour l’exercice de la liberté d’expression et d’opinion à travers le monde est en train de se constituer« .

En total décalage, M. Kouchner ? Pas tout à fait.

Car il a aussi prévenu :

Ne soyons pas naïfs. Les révolutions technologiques peuvent apporter le meilleur comme le pire. Ne fermons pas les yeux sur les dérives possibles, au risque de voir ce formidable progrès se transformer en régression. Car Internet peut aussi être détourné de ce que doit être sa vocation : un espace de liberté. Si les droits fondamentaux sont bafoués, le réseau peut se transformer, comme tout média, mais avec une puissance décuplée, en instrument de propagande, de désinformation, de répression et de surveillance.

(…)

Ne nous y trompons pas ! La liberté que nous appelons de nos voeux sur Internet n’est pas une liberté absolue. Elle comporte des limitations. Et ces limitations sont justes et légitimes si elles sont déterminées non par quelques uns, mais par tous à travers les mécanismes de la démocratie ; si elles sont encadrées par la loi et ne relèvent pas de l’arbitraire ; si elles visent à protéger d’autres droits fondamentaux, tels que le droit à la vie privée et le droit de propriété intellectuelle ; si les sanctions qu’elles instaurent sont proportionnées au délit ou au crime.

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