L’association américaine de l’industrie cinématographique a déposé dix plaintes contre X au Texas pour faire fermer le site aux 40.000 torrents. Le 29 décembre, lorsque nous avions évoqué la levée de bouclier de LokiTorrent, le compteur des dons était à 9.000 $, tandis que le webmaster du site parlait d’un minimum à atteindre de 30.000 $ par mois pour couvrir les frais juridiques nécessaires à l’affrontement de la MPAA devant les tribunaux.
« Ça peut paraître une grosse somme« , admettait-il, « mais les frais juridiques sont très onéreux, et 30.000 $ est le minimum requis« .
Moins d’une semaine plus tard, l’objectif est rempli pour le premier mois. 29652 $ ont été récoltés à l’heure où nous écrivons ces lignes ; la barre des 30.000 dollars sera ainsi franchie sans difficulté dans la journée. Toutefois Lowkee, le responsable du site, pense que ça n’est pas encore suffisant. Selon des estimations récentes réalisées par des avocats, il faudrait récolter 2 à 3 fois cette somme pour se défendre pleinement.
Dans une interview accordée à nos confrères de Zeropaid, Lowkee explique ses motivations : « Au cours des quelques dernières semaines seulement, la MPAA a forcé la fermeture de beaucoup d’autres sites BitTorrent qui étaient installés pour ne faire rien d’autre que permettre aux gens de partager ce qu’ils voulaient. Ca sera un jour sombre quand nous nous abaisserons pour laisser les organisations telles que la MPAA ou la RIAA dicter pour nous nos lois de liberté d’expression« .
« Quand on m’a remis cette plainte, j’ai simplement pris une décision de conscience en me disant que si les choses avaient déjà été si loin, il était temps que je passe à l’action pour arrêter ça moi-même« , confesse t-il. « Le support incroyable que m’apporte la communauté renforce simplement ma position.
Entre URL et URI, le débat juridique s’amorce
Lowkee est persuadé que son site est entièrement légal, malgré des jurisprudences claires et défavorables en matière de liens HTTP direct vers des ressources illicites hébergées sur des serveurs exterieurs. Si une grande majorité des observateurs lui donnent tort, tous ne sont pas si sûrs de l’illégalité des sites de liens. « BitTorrent est une situation intéressante, je ne pense pas que les réponses juridiques soient tout à fait claires, nous confie ainsi Alex Cameron, professeur de Droit d’Internet à l’Université d’Ottawa.
Avec les liens hypertextes traditionnels, on a l’habitude de parler d’URL. Derrière cet acronyme se cachent les mots « Uniform Resource Locator », qui indiquent bien que le lien sert à localiser le contenu sur Internet pour y avoir accès. En matière de liens P2P, on ne parle plus d’URL, mais d’URI, pour « Unified Resource Identifier« . L’objectif du lien n’est plus de localiser un document dans un réseau, mais d’identifier quel document se cache derrière un lien.
Concrètement, une URL traditionnelle aura la forme suivante :
https://www.numerama.com/img/dossiers/1948/banniere-exeem.gif
Le lien n’indique pas au navigateur ce qu’est le document, mais où aller le trouver (sur le serveur de Ratiatum, dans le dossier /img/dossiers/1948), et l’on sait qu’un clic sur le lien ouvrira ledit document. La jurisprudence a pris depuis longtemps le parti de considérer qu’une URL engageait la responsabilité de celui qui la diffuse et participe ainsi activement à la distribution du contenu.
La même logique peut-elle s’appliquer aux URI ? Une URI, sous eDonkey, a la forme suivante :
Rien dans ce lien n’indique où se trouve le fichier; la fin du lien comporte uniquement la signature numérique (le hash) du MP3, et c’est le client P2P qui pourra ensuite interroger le réseau pour savoir quels sont les noeuds qui partagent le fichier, et décider ou non de le télécharger.
Entre Locator et Identifier, c’est peut-être la subtilité qui fera trembler les juristes lorsque l’affaire MPAA contre LokiTorrent éclatera.
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