Plus les choses avancent, plus la stratégie de Free devient claire. Le fournisseur d’accès à Internet préféré des geeks a réussi depuis plus de 10 ans à se forger une image remarquable de protecteur de la neutralité du net, d’opposant à la riposte graduée ou au filtrage. Mais le poil à gratter technophile n’est-il pas en train de jouer de cette image pour refermer discrètement un piège représentant tout ce contre quoi il prétend lutter ?
Au mois de juillet, nous avions déjà vu que Free avait brisé le tabou de l’accès prioritaire payant à certains contenus, en proposant que ses abonnés puissent payer le droit d’accéder à la vidéo de rattrapage lorsque la bande passante disponible est saturée. Il ne s’agissait pas en soi d’une atteinte à la neutralité du net, puisque la priorité s’exerce au niveau des services vidéo du boîtiers Freebox TV, et non sur l’accès à Internet lui-même. Nous avions alors prévenu d’une possible dérive :
Toutefois le risque est grand de voir se développer une sorte de réseau parallèle, propriétaire, fermé, qui aura des débits largement prioritaires sur les débits accordés à « Internet », sur lequel les opérateurs n’ont aucun pouvoir de négociation commerciale. Entre ses jeux vidéo, ses « télésites », ses chaînes de télévision, son service d’hébergement de vidéos personnelles, ses radios, ses programmes de VOD, sans doute bientôt ses services de musique à la demande… la Freebox donne de plus en plus accès à un ensemble complet de services, vendus avec Internet mais qui ne sont pas Internet. Et puisqu’il ne s’agit pas d’Internet, il sera possible de rendre leur accès plus rapide qu’à l’Internet proprement dit, et de décider parmi ces services lesquels seront prioritaires, en fonction des accords passés avec les abonnés mais aussi avec les fournisseurs.
Or ce lundi, le responsable des affaires réglementaires de Free Alexandre Achambault a résumé en moins de 140 caractères la stratégie de l’opérateur. « On vend avant tout un accès haut débit à des services, Internet étant proposé sans surcoût« , a-t-il écrit. Il renverse ainsi tout le modèle économique traditionnel du fournisseur d’accès à Internet, en faisant de ce dernier l’accessoire ouvert de toute une série de services fermés proposés par l’opérateur.
Alexandre Archambault explique que les services proposés sur la Freebox HD, et probablement de manière tout aussi propriétaire sur les futurs mobiles Free (l’objectif sans doute à terme de son Freestore), sont « très prisés par la majorité des abonnés, ce qui permet aux geeks de payer au final bien moins cher qu’une offre Internet only« .
« La subvention par les services TV & Tel est la clé d’un Internet neutre, performant, compétitif et accessible géographiquement« , nous assure M. Archambault.
Free essaye en quelque sorte, avec l’appui non négligeable du matériel fourni à l’abonné comme porte d’entrée, de recréer le modèle des portails de services d’AOL.
La question de la neutralité du net n’est pas gênante pour Free, puisque l’opérateur ne mise pas sur la priorité accordée à ses services ou ceux de ses partenaires sur Internet. Il mise sur les exclusivités de services offertes par son boîtier Freebox HD, qui pourraient dans 5, 10 ou 20 ans devenir plus intéressantes pour la plupart des abonnés que les services équivalents disponibles sur Internet de manière moins intégrée, et/ou avec une bande passante disponible moins importante.
Free estime que tout ce qui est proposé comme services sur la Freebox HD n’est pas Internet, et n’est donc pas soumis aux règles de la neutralité du net qui pourraient être édictées. Il a donc tout intérêt à se dire partisan de la neutralité du net, pour contrer la stratégie de ses concurrents qui misent davantage sur la vente d’accès prioritaires à certains services du web.
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