Mise à jour 18h23 : le délit d’usurpation d’identité a été adopté sans amendement. La discussion s’enchaîne sur l’article 4 relatif au blocage des sites pédopornographiques.
Article du 7 septembre 2010 – C’est aujourd’hui mardi 7 septembre que le Sénat entame l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi), plus de six mois après son adoption par les députés de l’Assemblée Nationale. Les débats s’ouvriront à 16 heures avec la traditionnelle discussion générale, avant l’examen des 40 articles qui composent le texte, et des 406 amendements déposés par les sénateurs.
Dans le texte issu de la commission des lois, qualifié à juste titre d’ « hétéroclite fourre-tout législatif » par Le Monde, trois dispositions intéressent particulièrement la société numérique :
- Le délit d’usurpation d’identité : L’article 2 du projet de loi condamne d’une peine maximale d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende « le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou une ou plusieurs données de toute nature permettant de l’identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération« . La rédaction retenue en commission est ici plus rassurante que celle de l’Assemblée, qui avait visé le simple « usage » de données plutôt que leur usurpation. Cette disposition doit empêcher notamment qu’un individu se fasse passer pour un tiers sur les réseaux sociaux, d’une manière qui lui cause un préjudice. Il reste cependant le risque qu’une telle disposition puisse viser également les caricatures et les faux profils « humoristiques », créés sans véritable intention de nuire, mais qui peuvent « porter atteinte à son honneur ou à sa considération ». Le curseur entre la protection de l’honneur et la protection de la liberté d’expression risque d’être difficile à placer.
- Le filtrage des sites pédopornographiques : L’article 4 est, en ce qui concerne Internet, la disposition la plus controversée de la Loppsi, qui fait l’objet de plusieurs amendements. La plupart pour rétablir l’obligation de passer par un juge avant que l’administration puisse transmettre aux FAI une liste de sites pédopornographiques à bloquer. Voulue par une Assemblée Nationale pressée dans cette voie par le Conseil constitutionnel, la précaution juridictionnelle a été supprimée en commission au Sénat. Elle devrait être rétablie en plénière pour éviter que le texte ne subisse une censure des sages. Inefficace techniquement à l’encontre des pédocriminels qui ne passent pas par les méthodes traditionnelles d’accès au web, la mesure du filtrage est censée .protéger l’internaute contre lui-même. Mais la mesure est surtout un cheval de Troie législatif qui permettra d’étendre ensuite le dispositif à d’autres types de contenus, moins sujets à cette émotion populaire qui empêche de s’opposer au filtrage des sites pédophiles. C’est exactement le chemin qu’avait suivi le FNAEG, le fichier des empreintes ADN, d’abord réservé aux crimes sexuels, puis régulièrement étendu au point de contenir aujourd’hui les empreintes de plus d’1,5 millions de Français.
- L’installation de mouchards : Présentée comme l’adaptation moderne des écoutes téléphoniques, l’installation de dispositifs d’enregistrement de l’activité d’ordinateurs, prévue à l’article 23, devrait venir compléter l’attirail de la police judiciaire. La mise en œuvre de ces écoutes informatiques sera encadrée par le juge d’instruction, et réservée à certains types de crimes et délits, parmi lesquels figurent le « délit de solidarité » ou la « non-justification de ressources correspondant au train de vie ». Mais alors que les écoutes téléphoniques sont autorisées par le juge pour une durée d’un mois, le texte prévoit ici que les écoutes informatiques sont autorisées pour quatre mois. Par ailleurs, s’il vise en priorité les installations de dispositifs matériels, telles que des clés USB, le texte envisage la possibilité d’une « transmission par un réseau de communications électroniques« , et donc le piratage à distance de l’ordinateur. Dans une exception contraire au droit commun, la Loppsi prévoit aussi que dans le cas où les captations donnent connaissance d’autres délits que celui pour lequel la captation a été autorisée, les procédures judiciaires pourront exploiter les enregistrements sans risquer de nullité de la preuve.
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