Après avoir fait croire à tort qu’il s’agissait d’une obligation imposée par Bruxelles, la ministre de l’Economie Christine Lagarde a changé d’explication dans une interview au Figaro. L’augmentation de la TVA sur les abonnements triple-play entrerait en fait dans le champ de le chapitre de la chasse aux niches fiscales. « Nous éliminons des niches inutiles et des niches galopantes, qui coûtent chaque année de plus en plus cher à l’Etat« , explique-t-elle en terminant par l’exemple des offres ADSL.
« Nous avons aussi décidé que les offres dites « triple play » (télévision + téléphone + Internet) seraient désormais soumises au taux normal de TVA, alors qu’elles bénéficiaient jusqu’à présent du taux réduit de 5,5% pour la moitié de leur montant. En 2006, cet avantage fiscal coûtait 24 millions d’euros, mais, avec l’explosion de ces offres, il coûtera plus de 800 millions cette année pour l’Etat et plus d’un milliard l’an prochain. Le petit vaporisateur s’est transformé en véritable geyser !« , explique Christine Lagarde.
Pour ne pas accuser Bruxelles qui s’en était offusqué à juste titre, le gouvernement prétend donc désormais que la hausse de la TVA sur l’abonnement à Internet est une décision de bon gestionnaire de l’état français. Une décision prise souverainement dans l’unique souci d’abattre un énième avantage fiscal en cette période de crise budgétaire.
Mais c’est encore refaire l’histoire. Car même si Bruxelles n’avait pas demandé en tant que tel à la France de relever son taux de TVA sur la moitié de l’abonnement triple-play soumise au taux réduit, c’est bien Bruxelles qui a obligé la France à ouvrir le dossier. La Commission Européenne avait en substance laissé deux options à la France. Soit l’Etat obligeait les fournisseurs d’accès à Internet à vendre sous forme d’options les services ajoutés à l’accès à Internet, comme la télévision ou la téléphonie, auquel cas les services audiovisuels pourraient toujours bénéficier de taux différents. Soit les différentes composantes du « triple play » restent indissociables, et doivent donc être soumises à une imposition à 19,6 %.
C’est cette dernière option qui a été retenue par Bercy, non pas pour faire la chasse aux niches fiscales, mais pour ne pas ruiner le modèle économique des FAI qui bradent l’accès à Internet en misant sur les services ajoutés qu’ils imposent à leurs clients.
L’explication de Mme Lagarde est d’ailleurs peu convaincante sur le plan comptable. Elle souffre du même défaut d’analyse que l’étude de la BSA sur l’impact fiscal du piratage. En disant que la TVA à 5,5 % sur la moitié de l’abonnement à Internet coûte à l’Etat 800 millions d’euros, la ministre de l’Economie fait comme si l’argent économisé par les abonnés était intégralement épargné. Or il est bien sûr réinvesti dans d’autres biens ou services, qui sont eux-mêmes taxés. Qu’il soit dépensé ici ou là, l’euro dépensé est toujours au bout du compte imposé fiscalement.
A rentrées fiscales équivalentes au niveau macro-économique, la politique fiscale agit sur les curseurs micro-économiques en fonction des stratégies à long terme, pour favoriser la consommation dans tel ou tel secteur. Il était stratégiquement important pour l’Etat de favoriser le développement de l’accès à Internet pour lutter contre la fracture numérique et aider au développement d’une industrie dématérialisée. Mais désormais que le haut débit est largement installé dans les foyers, l’avantage fiscal se fait moins pressant.
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