Lorsque l’on connaît la politique du gouvernement en matière de communications électroniques et de régulation des contenus sur Internet, il y a de quoi s’inquiéter vivement. Samuel Autheuil prévient sur son blog que le Conseil des ministres a adopté mercredi matin un projet de loi « portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques« . Il devra être adopté par le Parlement, qui accepterait le cas échéant de se défaire de son pouvoir de légiférer sur certains aspects des télécoms. Il n’aura qu’un droit de véto.
L’article 11 du projet de loi prévoit en effet d’autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance toute une série de dispositions de nature législative de transposition du Paquet Télécom adopté par le Parlement Européen.
Prévu à l’article 38 de la Constitution, le mécanisme des ordonnances est régulièrement utilisé pour transposer en droit français les directives européennes techniques et fastidieuses, qui encombreraient sinon le Parlement. Mais il y a souvent la tentation pour le pouvoir d’abuser des autorisations délivrées spécialement par le Parlement pour légiférer au delà de ce qu’imposait les directives, pour réécrire des pans entiers de la loi. Pour ne pas risquer la censure du Conseil constitutionnel, il faut que le gouvernement rédige sa demande d’autorisation de manière suffisamment large pour ouvrir le champ des possibles, et rester toutefois précis sur les domaines dans lesquels il peut écrire la loi sans débat parlementaire. Un art subtil.
Outre les réglementations d’apparence techniques qui souvent posent aussi des questions politiques (comme le montre par exemple la gestion du dividende numérique), un point en particulier pourrait ouvrir grand la porte aux dérives dans le projet de loi de transposition du Paquet Télécom.
Le 4° de l’article 11 prévoit en effet d’autoriser pendant 6 mois le gouvernement à prendre par ordonnance toutes mesures qui ne sont pas imposées par le Paquet Télécom mais qui sont de nature à :
- renforcer la lutte contre les faits susceptibles de porter atteinte à la vie privée et au secret des correspondances dans le domaine des communications électroniques, notamment en ce qui concerne la recherche, la constatation et la répression des infractions ;
- répondre aux menaces et prévenir et réparer les atteintes à la sécurité des systèmes d’information des autorités publiques ainsi que des opérateurs mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du code de la défense
« Je suis d’autant plus inquiet que l’étude d’impact (.pdf) est absolument muette sur ce 4°« , note Samuel Autheuil. Si le gouvernement demande ces autorisations, c’est forcément qu’il sait ce qu’il veut en faire. Mais nous ne pourrions le découvrir qu’au moment de la publication de l’ordonnance au Journal Officiel. Elle deviendra alors immédiatement applicable, mais devra pour le rester être ratifiée par le Parlement via l’adoption d’un projet de ratification déposé dans les trois mois suivant la publication de l’ordonnance. C’est donc une sorte de droit de véto accordé au Parlement, qui est beaucoup plus théorique que pratique.
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