Peut-on contrefaire une morue ? Il faut se poser la question. Dans un billet passé totalement inaperçu, rendu possible par la déclassification partielle d’un certain nombre de documents, le blogueur allemand André Rebentisch est remonté à la source de l’accord commercial anti-contrefaçon (ACTA), et fait une trouvaille surprenante.
Il a en effet découvert que le mandat donnant à la Commission européenne le droit d’ouvrir « des négociations en vue d’un accord commercial plurilatéral de lutte contre la contrefaçon » a figuré à l’agenda (.pdf) de la 2862ème session du Conseil de l’Union Européenne réunissant les ministres de l’agriculture et de la pêche, le 14 avril 2008. Il est listé parmi les « points A » qui sont adoptés sans débat.
La recommandation de la Commission au Conseil est marquée « Restreint EU », ce qui veut dire qu’elle a été classifiée pour en empêcher sa publication. Ce qui était aussi le cas de l’approbation délivrée lors de la réunion du Comité des représentants permanents (Coreper) du 2 avril 2008. Le comité de l’article 133, dédié aux questions commerciales au sein du COPERER 2, indique dans ce document daté du 26 mars 2010 (.pdf) que la Commission avait soumis dès le 20 novembre 2007 un premier texte visant à l’autoriser à ouvrir les négociations sur l’ACTA, et qu’une version révisée a été soumise le 29 février 2008.
« Elle a également fait l’objet d’un examen par le Groupe « Propriété intellectuelle ». À la suite de la discussion qui a eu lieu lors de la réunion du Comité de l’article 133 (membres suppléants) du 17 mars 2008, toutes les délégations ont été en mesure d’approuver le texte sur la base d’une proposition de compromis de la présidence« , indique le rapport, qui reste incomplet. Toute la partie substantielle sur le contenu du texte et notamment les directives de négociation, est toujours marquée comme « non déclassifié ».
Pourquoi en avoir fait ensuite un sujet lié à l’agriculture et à la pêche ? Comme un clin d’oeil, le ministre français en charge de l’Agriculture et de la Pêche à cette époque était Michel Barnier, devenu commissaire européen en février 2010. Or dans ses nouvelles fonctions, M. Barnier nous a déjà démontré sa défense de l’ACTA, appuyée sur des études très contestées des lobbys industriels.
Une chose est sûre, cette discrétion explique comment l’ACTA est resté secret jusqu’à ce que Wikileaks, déjà lui, dévoile son existence au monde entier en mai 2008, sans pouvoir en publier le texte d’étape.
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