La Haute Autorité pour la diffusion et la protection des droits sur Internet (Hadopi) a lancé le 9 novembre dernier un appel d’offres qui a « pour objet l’assistance à la maîtrise d’ouvrage pour la version cible du système d’information utilisé dans le cadre de la réponse graduée mis en place par l’hadopi, en se basant sur le système existant« . « L’objectif poursuivi par la personne publique est de pouvoir gérer informatiquement tout le processus de la réponse graduée« , précise le descriptif publié au Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP).
L’appel d’offres semble confirmer ce qu’avouait sans honte Christine Albanel à l’Assemblée Nationale, lorsqu’elle confiait aux députés à propos de la riposte graduée que « tout ça, c’est des clics, ça va extrêmement vite« . Une logique effroyable d’automatisation complète du système répressif, du constat des infractions présumées réalisé par la société privée TMG, jusqu’à la sanction qui devait à l’origine être prononcée directement par l’autorité administrative.
Contactée pour savoir jusqu’à quel point elle souhaitait « gérer informatiquement tout le processus de la réponse graduée« , l’Hadopi tente de nuancer la portée de l’appel d’offres, et nous apporte une information complémentaire.
« L’ensemble du traitement informatique relatif à la réponse graduée permet d’intégrer les critères décidés à tous les stades de la procédure par la CPD et, par exemple, d’extraire les dossiers posant les questions identifiées par la CPD et sur lesquels elle souhaite spécialement délibérer« , nous explique d’abord Eric Walter, le secrétaire général de la Haute Autorité. C’est-à-dire que le système informatique trie parmi les milliers d’adresses IP reçues chaque jour de la part des ayants droit, pour ressortir en priorité celles dont l’Hadopi souhaite obtenir l’identification auprès des FAI, pour y donner suite.
« Actuellement, le système informatique gère les premières phases pédagogiques de la procédure de réponse graduée (l’envoi des mails et recommandés, ndlr) selon ces modalités. Il doit être complété pour gérer la phase suivante d’échange avec les parquets et avec les juridictions, pour laquelle un décret du ministère de la culture doit être publié prochainement« .
La transmission des dossiers est pourtant déjà prévue par le décret relatif à la procédure, publié cet été. Il dispose que « la délibération de la commission (de protection des droits) constatant que les faits sont susceptibles de constituer une infraction, à laquelle sont joints, selon les cas, un procès-verbal récapitulatif de l’ensemble des faits et procédure ainsi que toutes pièces utiles, est transmise au procureur de la République près le tribunal de grande instance compétent« . Lequel doit informer l’Hadopi des suites données à la transmission. L’annonce d’un nouveau décret spécifique à la phase pénale est une surprise, qui va contre le discours ambiant, désormais porté vers l’offre légale.
Pour rassurer, Eric Walter nous précise que « la commission de protection des droits prendra une délibération tenant compte de l’ensemble des éléments du dossier (constatations, observations…), qui seront extraits du système et fusionnés pour établir la synthèse, et si elle estime que les faits sont susceptibles de constituer une infraction elle transmettra le tout à l’autorité judiciaire« . Il n’y aurait donc pas d’automatisation de la transmission des dossiers aux tribunaux.
Cependant est-ce là la principale crainte ? Au mois d’août, le ministère de la Justice a envoyé aux parquets une circulaire qui demande aux procureurs de ne pas enquêter sur les faits dénoncés par l’Hadopi, « dans le double objectif d’assurer la rapidité de la réponse pénale et de veiller à ce que le nouveau dispositif ne conduise à un engorgement des services de police et de gendarmerie« .
De même dans un rapport du commissaire de la CNIL (qui fut le seul argumentaire sur lequel s’est fondé l’autorisation de la collecte d’adresses IP pour la riposte graduée), la Commission avait prévenu que « l’action de la Hadopi se limitera à accepter ou refuser les constats transmis, sans possibilité de les vérifier« .
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