Un décret publié dimanche donne au CSA le pouvoir de suspendre la diffusion en France de services de VOD édités à l’étranger, qui violeraient les prescriptions de la loi française en matière de régulation des contenus audiovisuels.

Le gouvernement a fait paraître cette semaine au Journal Officiel le décret n° 2010-1593 du 17 décembre 2010, qui confie au CSA le pouvoir de suspendre des services de vidéos à la demande (VOD) établis dans un autre pays de l’Union Européenne, ou de l’Espace économique européen. Un pouvoir qui lui est confié par l’article 43-9 de la loi de 1986 sur la liberté de communication.

La loi dispose que « le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut suspendre provisoirement la retransmission des services de médias audiovisuels à la demande » lorsqu’il estime qu’il « porte atteinte ou présente un risque sérieux et grave de porter atteinte à l’ordre et à la sécurité publics ainsi qu’à la prévention ou à la poursuite des infractions pénales (…), ainsi qu’à la protection de la santé publique, des consommateurs et de la défense nationale« .

Une telle suspension ne peut être ordonnée qu’après avoir demandé sans succès à l’Etat qui héberge le service de prendre « les mesures adéquates« , et avoir notifié des « mesures envisagées« . Le décret précise qu’en cas d’urgence, le CSA peut passer directement à la notification de la suspension, par l’intermédiaire du gouvernement, en motivant sa décision.

Le texte ne précise en revanche rien sur les modalités précises de la « suspension de la retransmission » des services de VOD. Ce qui, en pratique, risque de rendre le texte inapplicable, sauf lorsqu’il s’agit de services disponibles directement sur les box des FAI, sans passer par un navigateur. Sur son blog, la juriste « Crise-de-foi » doute par ailleurs de la légalité du décret, qui ne respecterait pas les conditions posées par le Conseil constitutionnel dans une décision de juillet 1996, et par la Cour de cassation en 1999. Ils imposent que des garanties procédurales soient prévues pour respecter les droits de la défense, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. « Le CSA peut suspendre n’importe quelle plate-forme sans que celle-ci ait le droit de se défendre« , constate-t-elle.

Rassurons-nous enfin. Cette disposition ne s’applique qu’aux seuls services de médias audiovisuels à la demande, dont l’article 2 de la loi de 1986 exclut explicitement les services non commerciaux, et aussi notamment « ceux dont le contenu audiovisuel est secondaire, (et) ceux consistant à fournir ou à diffuser du contenu audiovisuel créé par des utilisateurs privés à des fins de partage et d’échanges au sein de communautés d’intérêt« . Il n’y a donc pas de risque de voir cette disposition appliquée pour censurer un site Internet lambda, même s’il propose de la vidéo. Le cas des services de streaming comme MegaVideo est plus complexe, mais la suspension ne pourrait s’appliquer que sur la seule partie des vidéos piratées, pas sur les vidéos personnelles des utilisateurs.

Mais il faudra rester vigilant, puisque ce texte limité constitue tout de même un premier pas vers le projet de confier au CSA des pouvoirs de contrôle du net.

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