La chute récente de Ben Ali en Tunisie et de Moubarak en Égypte l’a montré. Ce n’est pas Internet qui a renversé directement ces deux dictateurs. C’est bel et bien la population, frappée par des années d’injustice et écrasée par un État policier implacable. En revanche, le réseau des réseaux a été le vecteur idéal pour porter la colère des Tunisiens et des Égyptiens. Il a même été un accélérateur inattendu de ces révolutions.
Ce constat, les États-Unis l’ont bien compris. Depuis quelques années, la diplomatie américaine n’hésite pas à se servir indirectement d’Internet pour agir sur la scène internationale et défendre ses intérêts. C’était ce qu’avait laissé entendre Hillary Clinton, l’actuelle secrétaire d’État au sein de l’administration Obama, lors d’un discours donné l’an dernier.
« Ceux qui perturbent le libre flux de l’information dans nos sociétés sont une menace pour notre économie, notre gouvernement et notre société civile » avait-elle alors déclaré. Dans un nouveau discours prononcé ce mardi, Hillary Clinton a cette fois défendu le principe de la liberté de connexion.
« Nous sommes convaincus qu’un Internet ouvert promeut à long terme la paix, le progrès et la prospérité. L’Histoire nous a montré que la répression sème souvent les graines de la révolution. Ceux qui verrouillent la liberté de l’Internet peuvent contenir les conséquences des aspirations de leur peuple pour un temps, mais pas pour toujours » a déclaré Hillary Clinton.
« Les États-Unis continueront à promouvoir un Internet où les droits des personnes sont protégés, ouvert à l’innovation, inter-opérable partout dans le monde, assez sécurisé pour inspirer la confiance et assez fiable pour servir leur travail » a-t-elle ajouté. À l’heure où la Tunisie et l’Égypte sont à la croisée des chemins, les États-Unis ciblent implicitement l’Iran, qui demeure leur bête noire géopolitique.
Il est en effet certain que l’administration américaine souhaite voir le même processus révolutionnaire s’enclencher en Iran. Empêtrée en Irak et en Afghanistan, l’armée américaine serait très éprouvée en ouvrant un troisième front. Pour éviter d’arriver à une solution militaire compliquée, les États-Unis essaient d’offrir aux opposants iraniens les moyens de se faire entendre et de communiquer sans entraves.
Car l’Iran est loin d’être un havre de paix pour les internautes. Considéré comme l’un des ennemis de l’Internet par Reporters Sans Frontières, le pays a déjà saboté l’accès à Internet pour étouffer de futures manifestations. Les autorités du pays filtrent à tour de bras des sites communautaires comme Twitter et Facebook et n’ont pas hésité à bloquer Gmail pour lancer leur propre service de messagerie web afin de mieux surveiller la population.
En 2009, lors des manifestations contestant la réélection de Mahmoud Ahmadinejad, le département d’État avait sollicité les administrateurs de Twitter pour leur demander de reporter une maintenance critique de leur site communautaire, afin de permettre à l’information de circuler sans interruption. Le gouvernement américain était alors aussi en liaison avec d’autres réseaux sociaux pour s’assurer que l’information en provenance d’Iran reste bien accessible.
Dernièrement, les États-Unis ont remis en pratique cette stratégie pour la Tunisie. Après avoir censuré une vidéo, YouTube avait accepté quelques jours plus tard de la remettre en ligne. Le site avait alors expliqué que « de manière générale, les contenus violents ne sont pas autorisés sur YouTube. Cependant, nous faisons quelques exceptions« . Une prise de conscience qui a été prise en coulisse, poussée par la Maison Blanche.
Toutefois, il faut se garder de croire que cette diplomatie numérique donne aux États-Unis un pouvoir considérable. En effet, le chemin que vont prendre la Tunisie et l’Égypte est encore bien incertain. D’aucuns prédisent l’émergence d’une république islamique, comme en Iran. D’autres espèrent un scénario à l’indonésienne, avec la formation d’une république démocratique et laïque (l’Indonésie étant également le premier pays en nombre de musulmans).
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