La Cour de cassation a rendu jeudi un arrêt qui confirme que Dailymotion est bien un hébergeur lorsqu’il met en ligne une vidéo envoyée par un utilisateur, et non un éditeur. Une décision sécurisante qui semble remettre en cause la jurisprudence établie un an plus tôt par la même cour, d’après un rapport de l’actuelle présidente de l’Hadopi, qui n’intervient plus en la matière.

Mise à jour : voir l’arrêt sur le site de la cour de cassation ; voir aussi notre analyse de l’arrêt, qui empêche les ayants droit de faire retirer des contenus en masse sur les sites de streaming ou de téléchargement direct.

C’est une victoire très importante pour Dailymotion, et plus largement pour tous les éditeurs de services en ligne en France. La Cour de cassation a reconnu jeudi dans un arrêt qui fera jurisprudence et s’imposera donc à toutes les juridictions françaises que Dailymotion bénéficiait du statut d’hébergeur, et qu’il n’était pas soumis au régime de responsabilité des éditeurs. Les hauts magistrats de l’ordre judiciaire ont confirmé la décision prise par la Cour d’appel de Paris en mai 2009, qui avait estimé que le site d’hébergement de vidéos ne pouvait pas être tenu pénalement responsable de la publication du film Joyeux Noël de Christian Carion, alors qu’il l’avait supprimée après notification.

La Cour de cassation, dont l’arrêt n’a pas encore été publié, a rappelé les termes de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), qui dispose qu’un hébergeur qui ne choisit pas les contenus qu’il héberge ne peut être tenu civilement ou pénalement responsable que s’il a connaissance d’activités ou d’informations manifestement illicites et qu’il n’agit pas promptement pour retirer ces informations ou en rendre l’accès impossible. Or en l’espèce, Dailymotion avait bien supprimé la vidéo lorsque ses ayants droit ont fait savoir que le film était hébergé illégalement sur la plateforme.

C’est un soulagement, mais la décision pourrait raviver l’envie des sénateurs de réformer la LCEN. Dans un rapport que nous analysions lundi, la Commission des lois du Sénat proposait de créer un statut d’éditeur de services en ligne, avec obligation de filtrage et de surveillance. L’idée ne pourra cependant être matérialisée qu’après une réforme de la directive européenne sur le commerce électronique de 2000, et il ne semble pas envisagé à Bruxelles d’alourdir la responsabilité des éditeurs de services.

Peut-être, paradoxalement, l’Hadopi a-t-elle joué un petit rôle salvateur dans la décision de la cour de cassation. Magistrate auprès de la plus haute juridiction française, sa présidente Marie-Françoise Marais était connue pour insuffler une vision ultra-protectrice de la propriété intellectuelle à la cour de cassation. Mais pour éviter tout conflit d’intérêt, Mme Marais s’est interdite d’être rapporteure à la cour dans les dossiers liés à Internet. Cette mise à l’écart avait donné au journaliste Jean-Marc Manach l’occasion de proclamer « vive l’Hadopi ! » dans un article où il rappelait les faits d’armes de la magistrate.

Pure fiction ? Pas sûr. En jugeant que Dailymotion est un hébergeur et non un éditeur, la cour semble opérer un revirement de sa précédente jurisprudence établie dans l’arrêt Tiscali du 14 janvier 2010. Or qui était rapporteur à la Cour de cassation dans cette affaire qui avait fragilisé le statut de l’hébergeur, en disant que ceux dont les activités sont financées par la publicité sont des éditeurs ? Marie-Françoise Marais.

Il faudra attendre de lire l’arrêt pour voir s’il y a totale contradiction entre les deux décisions. A suivre.

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