Lorsqu’il s’agit de lutter contre la publication d’images pédopornographiques, la fin justifie-t-elle tous les moyens ? Comme nous le rapportions la semaine dernière, les autorités américaines ont saisi 10 noms de domaines utilisés par des sites hébergeant des contenus réputés pédopornographiques. Parmi eux figurait Mooo.com, un service géré par FreeDNS qui permet aux utilisateurs de choisir un sous-domaine, et de le faire pointer où bon leur semble.
Environ 84 000 sous-domaines étaient réservés sur Mooo.com. Une petite dizaine d’entre eux, soit 0,012 % de l’ensemble, aurait servi à diriger les internautes qui connaissaient l’URL vers des contenus pédopornographiques. Plutôt que de saisir la justice pour faire bloquer l’accès à cette dizaine de sites illicites, les autorités ont obtenu la saisie du nom de domaine principal Mooo.com, entraînant le blocage des 99,998 % de sites n’ayant a priori rien à se reprocher en matière de contenus pédopornographiques. Ca n’est plus un marteau pour tuer une mouche, c’est un marteau piqueur pour retirer une cellule cancéreuse d’un cerveau en bonne santé.
Vendredi, l’ICE (Immigration and Customs Enforcement) a confirmé le blocage de 84 000 sites légaux entraînés par la saisie de Mooo.com, mais sans s’en excuser auprès de Mooo ou de ses clients. « Ces sites ont été restaurés aussi vite que possible vers leur fonctionnement normal« , s’est contenté d’indiquer un porte-parole de l’agence dans un communiqué. Selon InformationWeek, le blocage aurait duré trois jours, pendant lesquels un message officiel rappelait aux visiteurs que « la publicité, la distribution, le transport, la réception ou la possession de pédo-pornographie constitue un crime fédéral« . Les conséquences pour la réputation de certains des sites fermés abusivement pourrait être désastreuse, mais peu importante. L’ICE dit simplement qu’elle tentera d’en tirer des leçons pour l’avenir, sans plus de précision.
Il faut également en tirer quelques leçons en France :
- Tout filtrage imposé par les autorités doit toujours s’opérer avec le contrôle préalable de l’autorité judiciaire, comme devrait le rappeler le Conseil constitutionnel sur la loi Loppsi ;
- Les voies de recours a posteriori, dont Benjamin Lancar vantait les mérites dans l’interview que nous publiions ce matin, ne sont pas une garantie suffisante puisqu’elles interviennent une fois que le mal est fait, et ne sont accessibles qu’à ceux qui ont connaissance du blocage et peuvent accéder aux recours (ce qui n’est pas toujours facile, notamment de la part d’utilisateurs d’un pays étranger) ;
- Le blocage d’un site ne devrait pas être une obligation de résultat, comme le prévoit la loi Loppsi, mais au mieux une obligation de moyens. Car à l’impossible nul n’est tenu, et il ne peut être accepté que par souci d’efficacité, le surblocage soit préféré au sous-blocage éventuel ;
- Si obligation de blocage il y a, il faut que soit prévue une lourde responsabilité civile et/ou pénale en cas de surblocage, y compris la responsabilité de l’Etat qui ordonne abusivement.
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