L’an dernier, la presse française s’était émue des informations de Libération, qui avait révélé que l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) s’est faite communiquer en 2008 les factures téléphoniques détaillées (« fadettes ») du directeur du journal satirique Bakchich, Nicolas Beau. Les documents avaient été obtenus par les autorités policières sans respecter la procédure d’encadrement judiciaire. De même, l’accord de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), pourtant obligatoire en matière d’enquête administrative, n’avait pas été sollicité par la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) pour obtenir les fadettes de David Sénat, l’ancien membre du cabinet de Michel Alliot-Marie soupçonné d’avoir informé des journalistes dans l’affaire Woerth-Bettencourt.
Etrangement la polémique n’avait jamais atteint les opérateurs téléphoniques, qui devraient pourtant vérifier que la procédure est légale avant d’accepter de transmettre de telles données personnelles à la police.
Ces affaires avaient mis en lumière l’importance que peuvent avoir les factures détaillées pour les enquêteurs et les services de renseignement. Elles ne permettent pas de savoir qui dit quoi, mais de savoir qui parle à qui. Ce qui est plus efficace encore pour démanteler un réseau, ou pour identifier une gorge profonde.
Aux Etats-Unis aussi, les mêmes méthodes sont employées. C’est un secret de polichinelle que révèle officiellement un document judiciaire publié par MSNBC, qui démontre que le Département de la Justice américain a pu obtenir les relevés téléphoniques et bancaires d’un journaliste du New York Times, James Risen. Celui-ci avait décrit dans son livre « State of War » comment la CIA avait tenté de saboter le programme nucléaire iranien, en fournissant des plans défectueux de certains éléments clés. Le gouvernement américain a pu obtenir aussi les relevés de plusieurs cartes de crédit du journaliste, et un relevé de tous ses déplacements par avion. Ce qui lui a permis de remonter jusqu’à la source présumée, un ancien agent de la CIA.
Les documents semblent avoir été obtenus en respectant la législation américaine, via des injonctions sollicitées auprès des tribunaux. Mais l’affaire est prise très au sérieux par le Comité des Reporters pour la Liberté de la Presse, qui demande aux journalistes à être très soucieux de la protection de leurs sources, et de faire attention aux méthodes qu’ils utilisent. « Je trouve ça très dérangeant. Ca nous montre que l’administration Obama est prête à faire presque n’importe quoi pour découvrir qui fait fuiter des informations du gouvernement« , s’émeut Lucy Dalglish, la directrice de l’organisation. Elle presse les journalistes à utiliser des méthodes anciennes, en donnant rendez-vous à leurs sources sur des bancs publics pour échanger des versions papier des documents, ou en utilisant des téléphones jetables pour communiquer avec elles plutôt que leur téléphone quotidien.
Une occasion de relire le guide de protection des sources réalisé par Jean-Marc Manach.
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