La Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) avait organisé il y a un mois des tables rondes sur les thèmes développés dans ses Labs, qui doivent être forces de propositions. Le compte-rendu de la séance de travail a été rendu public. Malheureusement, la table ronde la plus fondamentale est aussi celle qui a connu le moins de succès.

L’Hadopi a mis en ligne sur son site internet le compte-rendu (.pdf) de la séance de travail publique organisée le 2 février dernier à l’occasion du lancement de ses Labs. Cinq table rondes avaient été mises en place, correspondant à chacun des Labs :

  • Réseaux & Techniques
  • Economie numérique de la création
  • Usages en ligne
  • Propriété intellectuelle & Internet
  • Internet & Sociétés

Le compte-rendu permet d’abord de vérifier que les représentants des différents lobbys et institutions s’étaient déplacés en masse pour défendre leurs positions. La Sacem, par exemple, était représentée dans toutes les tables rondes, à l’exception notable du lab « Internet et sociétés » qui n’a pas attiré beaucoup de participants – c’est le seul qui n’a pas d’incidence économique directe, puisqu’il « observe internet dans sa dimension philosophique« . Le lab qui a attiré le plus de monde est celui consacré à « l’économie numérique de la création », qui a réuni notamment le SNEP, ProMusic France (c’est-à-dire l’IFPI), La Tribune, La Poste, le CNC, Vivendi, ou l’Association des Producteurs de Cinéma.

De tous les labs, le plus sensible pour les internautes est sans doute celui consacré aux « Réseaux et Techniques« , auquel participait entre autres SFR, Bouygues Télécom, Audible Magic (spécialiste de la détection de contenu), l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle, la CNIL ou encore la SCPP, qui représente les producteurs de disques. Selon le compte-rendu, il a été question d’échanger « sur les techniques de reconnaissance de contenu » et les « techniques de filtrage », en abordant à chaque fois les dangers, les limites et les avantages. Mais le compte-rendu n’avance aucun élément concret sur le contenu des discussions, si ce n’est que « de nombreuses questions ont été posées » sur l’étude des spécifications fonctionnelles des logiciels de sécurisation à laquelle travaille M. Riguidel. « Notamment sur la date de sortie de la nouvelle version des spécifications« , ajoute le compte-rendu.

Selon nos informations, aucune date n’est encore prévue pour cette publication, qui pose énormément de difficultés à l’Hadopi. Notamment pour arbitrer entre l’efficacité technique du moyen de sécurisation basé sur les spécifications, la nécessité de laisser le libre arbitre à l’utilisateur, et celle de rendre l’outil compréhensible au quidam. Or tant que la liste des spécifications fonctionnelles ne sera pas publiée et validée, aucune labellisation des moyens de sécurisation ne pourra intervenir.

Moins polémique mais très anxiogène pour les industries culturelles, le lab sur « l’Economie de la Création » a évoqué de son côté la question des « incitations à la consommation de biens culturels en ligne« , et celle des « usages illicites« , en posant la question de l’intervention de l’Etat. Sur ce dernier point, il a été évoqué la possibilité de compléter le système d’aide à l’industrie culturelle, notamment par une contribution des FAI, et de mettre en place une politique de diversité des contenus sur Internet. Le lab dédié aux « Usages En Ligne » promet lui aussi d’être intéressant, puisqu’il aborde de bonnes questions. En particulier, « en dehors de sa gratuité, quels bénéfices les usagers trouvent-ils dans les pratiques illicites ?« .

Le plus décevant, mais faut-il s’en étonner, est le résultat de la table ronde dédiée à la « Propriété Intellectuelle et Internet« . Cela aurait pu être l’occasion de remettre en cause le droit d’auteur à l’ère du numérique, et de s’intéresser par exemple à la question cruciale de la durée de protection. Mais le lab semble déjà verrouillé, avec la volonté de « mener une action de pédagogie » davantage que de réflexion, « sur le droit dà
auteur et sur là
Hadopi et ses missions
« . La table ronde, dont ça n’était pas a priori l’objet, s’est intéressée notamment à « la question de la détection des infractions sur Internet (VPN, anonymisation des adresses IP)« , ou à la « lutte contre le piratage via la réglementation du référencement des sites Internet« .

C’est finalement le lab le plus déserté, celui sur « Internet et sociétés« , qui pose les bonnes questions. « Quels étaient les raisons derrières les lois de protection des auteurs ? Quels fondements, et quels principes ont conduit aux lois actuelles ? Ces principes sont-ils immuables et indiscutables ? Doit-on réécrire les lois à la lumière de nouveaux principes ou fondements ? (…) Être un auteur est-il un métier ? Une vocation ? Un talent ? Le statut d’auteur implique-t-il nécessairement une rémunération, notamment sous la forme d’un salaire ?« … Les participants ont posé les jalons de la réflexion de fond sur l’éthique de l’informatique, l’art et internet, la nature particulière du partage numérique par rapport au partage matériel, la méconnaissance des acteurs du net… Dommage que cette table-ronde là n’ait séduit qu’une poignée participants (le Centre Pompidou, Vivendi Universal, le Cabinet PWC, et un anonyme).

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