La commission de la Culture du Sénat a publié il y a quelques jours un rapport d’information (.pdf) sur « la création dans le monde numérique« , sous forme de transcription d’une table ronde organisée le 26 janvier dernier. En l’absence de représentants des citoyens et consommateurs, c’était l’occasion pour les lobbys de toutes parts (culturels, télécoms, éditeurs de services…) de formuler leurs griefs et leurs attentes, un an après la mise en place de la Haute Autorité pour la Diffusion des Oeuvres et la Protection des Droits sur Internet (Hadopi).
Au sujet de cette dernière, il faut noter la subtilité de Pascal Rogard, le directeur général de la SACD, lorsqu’il défend la relative lenteur de mise en œuvre de la riposte graduée en 2010. « J’approuve tout à fait l’action de la Hadopi. Elle a raison d’avancer prudemment dans la mise en place de son système parce que, si elle commettait une seule erreur, la presse ne parlerait que de cette erreur. Il ne se passe pas un jour sans que les journalistes spécialisés n’écrivent sur la Hadopi. C’est bon pour sa notoriété…« , s’amuse le très influent patron de la société des auteurs et compositeurs dramatiques.
Rapporteur de la loi Hadopi au Sénat, et membre du collège de la Haute Autorité, le sénateur Michel Thiollière s’est quant à lui félicité de la publication du décret sur la labellisation des moyens de sécurisation, qu’il résume d’une manière… originale : « nos concitoyens pourront, s’ils le souhaitent, confier la labellisation de leurs sites Internet à des logiciels validés par la Hadopi« .
Taxer…
Mais comme toujours dans ce type de table ronde, la question a essentiellement tourné sur la question de la fiscalité et des aides publiques accordées au secteur culturel. « Le financement de la culture est assis sur les prélèvements : sans rien à prélever, on ne va pas bien loin !« , a ainsi rappelé l’ancien ministre de la Culture Jacques Toubon, également membre du collège de l’Hadopi. « D’où l’idée de la taxe Google« , a-t-il plaidé, sans faire l’unanimité autour d’une taxe qui toucherait beaucoup d’acteurs français, mais pas Google. La Sacem, l’Adami et la Spedidam ont donc plutôt défendu leur plan B pensé depuis longtemps. « Il faut de l’argent frais, et nous défendons l’idée d’une contribution des opérateurs de téléphonie mobile et des fournisseurs d’accès à l’ensemble de la filière numérique de la création« , a ainsi plaidé Jean-François Dutertre, le délégué général de l’Adami, qui gère les droits des artistes-interprètes. « C’est une idée à remettre sur le tapis« , appuie Bernard Miyet, le président de la Sacem.
Ce dernier, d’ailleurs, a curieusement terminé son intervention dans une pique aux licences Creative Commons, comme s’il se sentait menacé par elles. « Après une longue bataille nous sommes parvenus à un accord avec YouTube, utile du reste pour l’autopromotion des jeunes talents, qui sont protégés et rémunérés – sans comparaison avec ce qui se passe avec Creative Commons« . L’an dernier, nous avions révélé l’existence d’un projet d’accord qui permettrait aux auteurs de la Sacem de diffuser des œuvres sous licence CC, mais les discussions ne semblent pas avoir abouti.
… et réguler
Par ailleurs, les doléances ont porté sur un renforcement de la régulation sur Internet, et en particulier sur la remise en cause du statut très protecteur de l’hébergeur. « Je regrette encore une fois que l’on ne revisite pas la directive commerce électronique et la responsabilité juridique, voire financière, des réseaux sociaux et des opérateurs téléphoniques« , s’est ainsi agacé Bernard Miyet. « Il ne faut pas abandonner la question du statut de l’hébergeur. La décision de la Cour de Justice des Communautés européennes du 10 mars 2010 n’est pas bonne, selon moi. Google se veut désormais éditeur, les » œuvres » pullulent sur les sites communautaires : c’est bien parce qu’il y a du contenu que les internautes cliquent sur le contenant !« , a secondé Jacques Toubon.
Or depuis la table ronde, les choses ne se sont pas arrangées pour les défenseurs d’une moindre protection des hébergeurs. Le 17 février 2011, la Cour de cassation a en effet accordé le statut d’hébergeur à Dailymotion, et considérablement renforcé le formalise auquel doivent se plier les ayants droit pour obtenir le retrait d’un contenu piraté.
De leur côté, les opérateurs représentés par la Fédération Française des Télécoms se montrés conciliants. « Il faut sortir de l’opposition artificielle création / réseaux : éditeurs et distributeurs doivent former une alliance dans l’intérêt de l’ensemble des acteurs concernés« , a demandé Dahlia Kownator, la directrice générale adjointe de la FFT.
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