Au mois d’août 2010, le collectif Regards Citoyens à l’origine du célèbre NosDéputés.fr et l’association Transparence International France s’étaient associés pour mettre au point un outil collaboratif de recensement des lobbyistes auditionnés par les parlementaires. Grâce à une interface très simple et efficace, les internautes n’avaient mis que deux semaines à remplir ensemble une base de données de près de 20 000 lobbyistes dont les noms et organisations représentées étaient extraits des annexes de 1174 rapports parlementaires. Ils énumèrent 9 304 auditions réalisées entre juillet 2007 et juillet 2010, avec de près de 5000 organismes identifiés. Au final, ce travail a permis d’extraire une liste de 15 447 personnalités auditionnées. Soit beaucoup, beaucoup plus que la centaine de lobbyistes officiellement recensés par l’Assemblée Nationale.
Depuis l’été dernier, le fruit de cet épluchage était resté dans l’ombre. Regards Citoyens avait souhaité interroger la CNIL avant de mettre la base de données à disposition des internautes. Faute de réponse claire, c’est une application épurée des noms des lobbyistes qui est ouverte ce jeudi sur le site de Regards Citoyens. Elle permet néanmoins de voir l’influence des différents organismes, et surtout de peser les sources d’influence dans les différentes sphères thématiques. Les données sont librement téléchargeables.
Parmi les sujets traités à l’Assemblée, « les thèmes culture et internet sont particulièrement intéressants« , nous commente Tanguy Morlier, co-fondateur du collectif. « Ils voient les entreprises (ou leurs associations) sur-représentées de plus de 10 points par rapport à la moyenne générale. En moyenne le secteur privé est auditionné à hauteur de 16%. Pour les question de culture, il l’est à hauteur de 28% et pour Internet, c’est 44%« .
Dans l’ensemble des rapports analysés, les acteurs publics représentent près de la moitié des personnes auditionnées (48,3 %), et la parité n’est pas de mise. 76 % des personnes entendues par les députés sont des hommes.
Sur le thème Internet, il est assez curieux de voir que le Syndicat de l’édition vidéo numérique (SEVN) qui s’intéresse exclusivement aux questions de VOD a été auditionné autant que les opérateurs télécoms ou l’Arcep. Par ailleurs, autre étonnement, 92 % des personnes auditionnées représentent des intérêts nationaux, ce qui est plus important que la moyenne de toutes les thématiques, qui compte 11 % d’intérêts internationaux (une moyenne cependant gonflée par les 40 % du thème Affaires Etrangères). Internet continue à être régulé en France sans beaucoup s’intéresser aux pays voisins.
Réciproquement au sujet de la Culture, qui reste dominé par les lobbys habituels (SACD, ARP, Sacem…), les opérateurs télécoms ne sont pas loin en nombre d’auditions. Apple, du fait de l’importance prise par iTunes, est aussi en bonne position.
L’outil a l’immense mérite d’exister, et il est extrêmement bien réalisé. Cependant le nombre d’auditions recensés est encore trop faible pour en tirer des conclusions définitives. La faute notamment au fait que « des listes d’auditions n’ont pu être trouvées que dans 38% des rapports produits en trois ans« , ce qui fait que près des deux tiers restent opaques. « Le Parlement doit adopter des mesures pour que les rencontres entre parlementaires et société, comme les arguments, soient simplement connus« , demandent Regards Citoyens et Transparence International.
Par ailleurs, les données ne montrent qu’une facette du lobbyisme. Celle qui veut bien se montrer. Les conseils privés en lobbying ne font que 1,03 % des citations, et les think-tanks sont presque absents. Cela « montre que le travail d’influence est loin de s’exercer uniquement dans le cadre d’auditions officielles« , indiquent les deux partenaires, qui publient une analyse complète (.pdf).
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