Depuis que Wikileaks a publié les fameux câbles diplomatiques des Etats-Unis (ou plutôt une infime partie des câbles en sa possession), les services en ligne inspirés du site nordique se multiplient. Ils sont désormais souvent lancés par des journaux qui ne veulent pas être dépendants des documents publiés par Wikileaks, et qui ne veulent surtout pas ne plus être les destinataires privilégiés des documents que les « lanceurs d’alertes » avaient pour habitude de transmettre aux rédactions. Ne plus avoir ces fuites en première main, c’est ne plus avoir d’exclusivités qui assurent la réputation et la notoriété d’un journal.
En France, c’est Mediapart qui a ouvert le premier son site alternatif à Wikileaks, avec Frenchleaks. Le site est présenté comme « un outil documentaire et un instrument d’alerte » qui « met à la libre disposition du public des documents ayant fait l’objet d’investigations des journalistes de Mediapart« , et qui permet à ses sources d’envoyer des documents « en toute sécurité et confidentialité« . Le journal d’Edwy Plenel semble toutefois avoir du mal à arbitrer entre ses intérêts commerciaux et sa volonté d’imiter Wikileaks. Le verbatim de « l’affaire des quotas » de la Fédération Française de Football n’a pas été publié sur Frenchleaks, mais réservé à ses abonnés, même après publication de l’enquête.
Dans le monde, les initiatives inspirées de Wikileaks sont nombreuses. Citons OpenLeaks (créé par un ancien collaborateur de Julian Assange), RuLeaks (dédié dédié aux documents russes), BalkanLeaks (comme son nom l’indique), BrusselLeaks (dédié à l’activité des organes de l’Union Européenne), ou encore IsraeliLeaks.
Parmi les derniers figurent Al Jazeera Transparency Unit, et le SafeHouse du Wall Street Journal. Or ces deux-là sont totalement ridicules dans les conditions contractuelles qu’ils imposent aux sources qui envoient des documents. Comme le signale le New Scientist, le site d’Al Jazeera demande aux uploaders de s’assurer qu’ils détiennent bien les droits sur les documents qu’ils soumettent, et qu’ils peuvent concéder une licence d’exploitation à la chaîne du Qatar. Même chose pour le Wall Street Journal, dont les conditions contractuelles demandent à l’auteur de la fuite de disposer de « tous les droits nécessaires pour uploader ou soumettre un tel Contenu« , qui ne doit « pas violer de loi ou de droits de toute personne« .
Pas de garantie de confidentialité
De quoi tuer dans l’oeuf toute initiative d’envoyer des documents. Si les journalistes devaient avoir les droits de tout ce qu’ils publient, ils ne publieraient rien. Mais il y a bien pire.
« Nous nous réservons le droit de révéler toute information sur vous aux autorités judiciaires ou à des tiers qui le demandent, sans préavis, pour obéir à toutes lois applicables (…), opérer proprement nos systèmes, pour protéger les propriétés et les droits de Dow Jones (éditeur du WSJ, ndlr) ou de ses filiales, et pour sauvegarder les intérêts d’autres« , indique le contrat imposé par le SafeHouse du Wall Street Journal. Seul un accord de confidentialité négocié au cas par cas avec le journal, avant l’envoi des documents, peut garantir l’anonymat de la source. Idem chez Al Jazeera, qui ne donne aucune garantie de protection de l’anonymat.
Sur ces points, le FrenchLeaks de Mediapart est beaucoup plus clair. Le site n’impose aucun contrat avant l’envoi de documents, donc ne demande pas à la source d’avoir les droits de ce qu’elle fournit. Heureusement. Par ailleurs sa page d’envoi prévient que Mediapart met « tout en œuvre pour vous assurer la meilleure confidentialité« , mais qu’elle « repose en grande partie sur votre vigilance » car « nous ne pouvons vous garantir un anonymat absolu« . Malheureusement il ne donne aucun conseil technique sur, par exemple, l’utilisation d’un VPN pour masquer l’adresse IP utilisée lors de l’envoi du document.
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