Suite à l’assassinat d’une famille à Nantes, de nombreux internautes ont choisi d’en savoir plus sur le passé du principal suspect, Xavier Dupont de Ligonnès. À force de patience, ils ont fini par découvrir des éléments troublants à la lumière du drame nantais. La police a mobilisé un enquêteur pour compiler les informations repérées par les internautes. Mais cette « enquête 2.0 » est peut-être la prémisse d’une dérive.

Ce sont des Sherlock Holmes en herbe. Plus de trois semaines après le drame de Nantes, où une famille entière a été assassinée, ils continuent d’enquêter sur Xavier Dupont de Ligonnès, le principal suspect dans cette affaire. « Ils », ce sont ces internautes qui ont décidé de fouiller le passé de ce père de famille en compilant et diffusant un maximum d’informations dénichées en ligne.

Ces enquêteurs d’un genre nouveau ont ainsi ouvert une page Facebook, baptisée  » Xavier Dupont de Ligonnès : Enquête et Débat », sur laquelle ils centralisent les dernières informations. Plus de 2 900 internautes ont rejoint le groupe, même si tous ne participent pas avec la même ferveur et la même constance. Mais cela n’empêche pas ce groupe hétéroclite de repérer des éléments très intéressants.

« Au départ, le but de cette page était juste d’aller plus loin que le simple hommage aux victimes. Je voulais, à travers le web, trouver des informations sur cette famille pour mieux comprendre ce fait divers. Nous ne voulons pas concurrencer les enquêteurs, mais peut-être trouver des informations complémentaires qui peuvent les aider » a expliqué au Parisien le créateur de la page Facebook.

À force de patience et grâce à la participation de nombreux internautes, ils ont ainsi pu exhumer les confidences d’Agnès, la mère sur les forums de Doctissimo, avant de repérer les messages envoyés par Xavier sur le site La Cité Catholique. Ils sont aussi parvenus à dénicher quelques anciennes photos de Xavier Dupont de Ligonnès, lorsqu’il était plus jeune.

Les efforts de ces internautes-enquêteurs ont en tout cas été remarqués, puisque la police n’hésite pas à s’appuyer sur leurs informations. « L’office central spécialisé dans la cybercriminalité épluche […] tous les messages Internet laissés par les membres de la famille. Un enquêteur compile même chaque jour les informations trouvées par les internautes » a indiqué RTL.

C’est la première fois qu’une enquête criminelle est quasiment conduite en collaboration avec les internautes. Si les forces de l’ordre ont leurs propres méthodes, ils n’hésitent pas à regarder les trouvailles des internautes pour poursuivre l’investigation. Mais cela pose également un certain nombre de problématiques nouvelles, car ce qui peut être vu comme un progrès peut également être considéré comme une dérive.

Avec Internet, chacun peut désormais s’improviser détective privé et fouiller la vie privée des suspects pour rassembler le maximum d’informations. On publie des photos privées, on expose au vu et au su de tous des messages très personnels sur des forums… ici, personne ne semble s’opposer à la démarche de ce groupe Facebook, l’estimant sans doute légitime.

Mais que dira-t-on si, fort de cette expérience, les internautes enquêtent demain sur des violeurs ou pédophiles présumés ? Ces enquêteurs amateurs risquent non seulement d’enfreindre la présomption d’innocence des différentes personnes impliquées, mais aussi de déclencher ou de participer à un lynchage public dans certaines affaires beaucoup plus sensibles. Surtout s’il s’avère que le présumé coupable est en réalité innocent. Il sera alors trop tard.

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