Le CSA, qui s’est déjà avancé sur le terrain du filtrage, ne cache plus du tout son ambition de devenir le régulateur privilégié des contenus sur Internet. A l’occasion de la publication de son rapport d’activité 2010 (.pdf), le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel a livré un véritable plaidoyer pour expliquer au législateur pourquoi il est « le mieux placé pour assurer » une régulation en concertation avec les acteurs de l’audiovisuel et des technologies numériques.
« Au-delà des services de médias audiovisuels à la demande, il existe tout un univers des contenus audiovisuels diffusés sur internet qui n’est pas, jusqu’à présent, concerné par la régulation du Conseil« , regrette-t-il. Mais il estime qu’en régulant déjà les services de radio et de télévision en ligne, et de VOD, le Conseil a « apporté la preuve qu’il savait adapter sa régulation au nouveau contexte technologique et économique en favorisant des formes plus souples de régulation« . On pourrait donc lui faire confiance pour Internet…
En principe, historiquement, le CSA tire sa légitimité du fait que les ondes hertziennes exploitées par la télévision et la radio sont une ressource limitée, partagée, qui impose de choisir ceux qui peuvent les exploiter. Le Conseil va donc fixer des règles qui s’assurent que ceux qui exploitent le bien public le font dans l’intérêt du plus grand nombre. Mais sur Internet, la rareté des ondes disparaît. Il n’y a plus de ressource publique rare à gérer, donc plus de légitimité technique à réguler les contenus qui y sont diffusés. C’est pourquoi le CSA, dans son rapport, explique désormais que « tout autant que l’évolution technologique, c’est l’évolution de la demande sociale qui guide les progrès de la régulation« .
Le Conseil assure que « la demande de régulation des contenus audiovisuels en ligne ne cesse de progresser au nom de la protection du jeune public et de la déontologie« , car « nos concitoyens ne comprennent plus les différences réglementaires qui s’appliquent à des contenus du même type« . Le fait qu’un contenu soit régulé lorsqu’il est diffusé sur une ressource rare et qu’il ne le soit plus lorsqu’il est diffusé sur une ressource illimitée serait incompréhensible par le quidam. « Avec les téléviseurs connectés, nous entrons dans une ère où les différences de régulation se matérialisent sur le même écran (…) C’est un véritable hiatus réglementaire qui se crée, qui pénalise autant les médias que les téléspectateurs« .
Il faut, selon les sages, « construire une régulation qui parte davantage des attentes du public, et non uniquement des supports« .
Des enjeux économiques pour la création audiovisuelle
C’est donc au nom de la protection de l’enfance et de la déontologie (ce qui avait déjà été avancé dans un rapport de 2009) que le CSA demande à avoir compétence sur Internet, mais aussi et surtout au nom du financement de la création, sur lequel il insiste lourdement. « La régulation du CSA, fondée sur la primauté des contenus par rapport aux » contenants « , est parfaitement adaptée à l’ère numérique, dans la mesure où la création constitue l’un des moteurs de l’économie numérique« , estime le CSA. « L’écosystème global de l’audiovisuel assure aujourd’hui un financement de la création par les obligations réglementaires, la chronologie des médias et le système des exclusivités (…) internet donne au public l’illusion de la gratuité, et il faut dès à présent trouver des modes de rémunération des contenus efficaces« .
Le Conseil estime qu’il est « légitime que les nouveaux acteurs de l’audiovisuel que sont les fournisseurs d’accès à internet, mais aussi les équipementiers et les éditeurs de nouveaux services participent au financement de la création« . L’un des moyens de convaincre les FAI de participer davantage au financement de la création serait de préserver la neutralité d’internet… mais de sacrifier la neutralité des réseaux. C’est-à-dire de les autoriser à réserver la priorité aux services audiovisuels proposés directement sur les box, en sacrifiant la bande passante disponible pour internet. « Le Conseil n’est pas opposé à rendre les » flux gérés » prioritaires, dans la mesure où les services audiovisuels bénéficient alors d’une meilleure exposition et les téléspectateurs, d’une plus grande qualité« , explique le CSA. Une position qu’il avait exprimée il y a plus d’un an, en parlant de prioriser les « flux légaux ».
Pour lui, « quel que soit l’angle d’approche, l’innovation, la demande sociale ou les contenus, la conclusion est la même : celle d’une régulation qui suive le mouvement de la révolution numérique (…), la seule qui garantisse le développement de l’économie numérique, dans toutes ses dimensions, dans un cadre de confiance pour la société« .
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