https://youtube.com/watch?v=VUsYq8Aj0yk%3Frel%3D0
Lundi, un sympathisant du Front National dont nous tairons le pseudonyme a re-publié sur YouTube, parmi une incroyable collection de vidéos haineuses (« cancer maghrébin ! le remède », « Nazislam », « Vite un Piss Islam ! »…), un discours de Marine Le Pen qui nous avait jusque là échappé. Vérifications faites, la vidéo avait été pour la première fois publiée sur le compte YouTube du Front National le 30 juin dernier, au moment-même où la présidente frontiste évoquait sa détestation de l’Hadopi, de l’ACTA et de la loi Loppsi dans une interview en ligne.
La vidéo, dans laquelle Marine Le Pen dit vouloir « s’adresser en particulier à vous internautes« , nous dérange. Pas sur le fond ni sur les mots qui y sont prononcés ; bien au contraire. Et c’est bien ça qui nous trouble. Car alors que nous considérons à la rédaction de Numerama que les valeurs du Front National sont à l’opposée de l’universalisme et de l’humanisme que nous souhaitons défendre, le discours de Marine Le Pen sur la question de la liberté sur Internet est tout simplement… parfait.
« Cette liberté sur Internet, elle nous concerne tous, et je souhaite la restaurer, la préserver, la sanctuariser« , affirme-t-elle. Elle brosse dans le sens du poil ceux qui estiment qu’internet remplace la presse traditionnelle dans son rôle abandonné de contre-pouvoir, ceux qui s’indignent de déclarations insoutenables comme celle de Jacques Séguéla qui avait traité internet de « plus grande saloperie jamais inventée par l’homme« , ou celle de Jacques Myard qui voulait que l’on fasse en France « comme en Chine » pour nationaliser internet… « Il faut donc absolument préserver la toile des tentatives de contrôle« , poursuit-elle, jugeant que « sous des prétextes inattaquables comme l’ignoble pédopornographie, on fait en fait entrer la toile dans une logique mortifère, celle du filtrage arbitraire par le pouvoir« . C’est exactement le reproche fait à la loi Loppsi, qui prévoit le blocage de sites dont la liste, non contrôlée par l’autorité judiciaire, sera dressée par l’administration. La présidente du FN attaque aussi la loi Hadopi, en expliquant qu’il faut « préserver internet de l’appétit des puissances d’argent, des amis du pouvoir, des amis de Nicolas Sarkozy« . « Je pense en particulier aux majors du disque qui brassent des milliards d’euros et qui ont fait adopter grâce à un lobbying très actif la scandaleuse loi Hadopi« , dit-elle, employant une formule utilisée dans son discours du 1er mai.
Marine Le Pen attaque ensuite avec plus d’approximation l’accord ACTA, « un organe mondial de contrôle d’internet, de sanction des internautes au service de grands groupes privés » (c’est heureusement beaucoup plus subtile que ça). Exigeant que la France refuse de le ratifier, se réjouissant de l’initiative du sénat mexicain, elle se dit inquiète du soutien apporté par l’Union Européenne au traité. « Je rappelle que je suis la première responsable politique française à m’être opposée à cette Hadopi mondiale, dès 2006« , affirme-t-elle… ce dont nous doutons fortement. Le traité n’a en effet été révélé par Wikileaks… qu’en 2008.
La candidate à l’élection présidentielle « réitère (sa) promesse d’abroger la loi Hadopi« , et affirme que si elle est élue, la France cessera immédiatement toute négociation sur le traité ACTA.
« Je demanderai plus généralement le vote d’une grande loi « Liberté sur la toile », qui a l’inverse de la philosophie liberticide de Loppsi 2, gravera dans le marbre la liberté d’expression sur Internet, dans la limite des règles normales relatives à la préservation de l’honneur, de la considération des personnes, de la lutte contre l’insulte ou la diffamation« , annonce-t-elle en conclusion. « Je crois profondément à l’intelligence collective et au génie des peuples. La toile est un outil au service de cette intelligence, j’en serai le meilleur défenseur« .
Certes, le discours de Marine Le Pen sur ce thème est exagéré, souvent caricatural, mais il est globalement juste et espéré par de très nombreux internautes. Or l’entendre chez la présidente du Front National, beaucoup plus nettement que chez les autres adversaires de l’UMP de Nicolas Sarkozy, nous pose questions. Des questions que nous listons ici, sans ordre particulier, et auxquelles nous vous laissons répondre, si vous le voulez bien :
- Est-ce que tout n’est pas à jeter dans le programme du Front National, et qu’il lui arrive comme toute formation politique d’avoir de bonnes idées et des convictions sincères en phase avec nos visions « humanistes et universalistes » ?
- Est-ce que le Front National ment pour ramasser les braises allumées par la majorité présidentielle, dans un calcul de récupération politique de l’opposition manifestée aux réformes de Nicolas Sarkozy par de nombreux internautes, notamment dans nos colonnes ?
- Est-ce que notre philosophie libertaire, sur ce thème proche des idées du Front National, est en réalité trop naïve et dangereuse pour l’équilibre de la société tout entière ?
- Est-ce que les autres formations d’opposition, comme le Parti Socialiste ou le Mouvement Démocrate, font preuve de davantage de réalisme et de sagesse, ce qui les empêche d’avoir un discours aussi clair et tranché que celui de Marine Le Pen ?
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