La nouvelle a fait grincer des dents, alors qu’elle devrait au contraire réjouir. Le taïwanais Foxconn, connu pour être l’assembleur des produits électroniques d’un grand nombre de grandes marques (Apple, Sony, HP, Dell, Nokia…), souhaiterait remplacer une partie de ses ouvriers par un million de robots capables de faire le même travail, pour moins cher. Alors qu’elle ne dispose actuellement que de 10 000 robots, l’entreprise qui compte 1,2 million de salariés souhaiterait atteinte le million de robots d’ici trois ans seulement.
Si l’annonce raisonne inévitablement comme un drame social annoncé pour les Chinois dont l’emploi sera supprimé, il s’agit néanmoins, en tout cas en théorie, d’une très bonne chose sur le long terme. A quoi sert en effet la technologie si ce n’est à aider l’homme à se détacher des tâches les plus pénibles et répétitives, pour se concentrer sur celles qui sont les plus gratifiantes ? Si la technologie doit être synonyme de progrès, alors c’est ce progrès social qu’il faut rechercher par la technologie.
Les robots de Foxconn seront dédiés aux tâches routinières comme la pulvérisation, la soudure et l’assemblage des produits électroniques. Autant de travaux qui rendent actuellement la tâche des ouvriers tellement ennuyeuse et pénible que l’entreprise avait fait la une des journaux en 2010, avec une vague de suicides due aux conditions de travail particulièrement rudes.
Travailler moins pour gagner plus ?
Or embaucher des armées d’ouvriers pour ralentir les cadences infernales à l’usine et éviter des licenciements massifs ne rendrait pas ce travail plus gratifiant et moins abrutissant. Ca le rendrait juste un peu moins insupportable, ce dont personne ne peut se satisfaire. C’est le travail lui-même qu’il faut supprimer, pas sa cadence qu’il faut ralentir. Si les robots peuvent y aider, c’est une excellente nouvelle. Même si elle doit provisoirement s’accompagner de drames personnels comment l’ont connu les couturiers, les assembleurs de voitures, les mineurs, etc., etc.
Le problème, c’est qu’il s’agit là de la théorie. En pratique, l’automatisation et l’informatisation qui devaient permettre à l’Homme de gagner du temps l’a au contraire accéléré. Paradoxalement, nous n’avons jamais travaillé aussi vite et jamais autant eu le sentiment de manquer de temps. C’est le principal facteur de stress dans les sociétés industrielles, où le temps libéré par les machines est devenu, non pas du temps libre, mais du temps libéré pour consommer les biens qu’il faudra produire. Refermant ainsi un cercle vicieux que l’on ne pourrait briser que si l’on acceptait enfin de mettre réellement les machines au service de l’homme, et non pas l’homme au service de machines qui doivent toujours fonctionner davantage pour être rentabilisées.
C’est là un débat presque aussi vieux que l’Homme sur la définition-même du progrès. Mais en attendant de trouver la clé, on ne peut que se féliciter que des machines puissent éviter aux Chinois de réaliser des tâches que plus personne en Europe ne souhaite réaliser, dont la pénibilité pousse au suicide.
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