Ce mercredi matin sur Europe 1, le directeur éditorial des éditions Stock (groupe Hachette / Lagardère) était invité par Benjamin Petrover à venir parler de la rentrée littéraire. Ce qu’il a fait d’un air bougon, en s’attaquant dès sa première phrase à l’impact mortifère du piratage.
Lorsque le journaliste lui demande en préliminaire à quoi sert la rentrée littéraire, qui n’a pas d’équivalent dans le disque ou dans le cinéma, Jean-Marc Roberts répond : « Je crois qu’il y avait une rentrée du disque, qu’il y avait une rentrée du cinéma, on a oublié que ça existait. Mais je pense que le piratage, ces petites machines que l’on voit partout que l’on appelle ‘ordinateurs’, ont réussi à détruire ces moments très importants. J’espère que ça n’arrivera pas pour le livre« .
Très bien. Le patron d’édition qu’il est va donc tout faire pour ne pas commettre les mêmes erreurs que dans le disque, et pour apporter d’emblée une offre légale qui soit au moins aussi séduisante que l’offre pirate, en terme de catalogue, de simplicité d’usage, d’accompagnement des lecteurs… ?
Point du tout. « Je vous avoue mon inquiétude. Je ne suis pas d’habitude très pessimiste, je suis plutôt « allez on y va, on positive, etc. », mais là, la première chose qu’il faut dire, c’est que certains libraires indépendants – les petits, les moyens, les grands aussi, sont en danger de mort. On peut publier autant de livres que l’on veut, si les gens ne retournent pas en librairie…« , prévient-il en laissant sa phrase en suspens…
C’est alors qu’il lance la proposition la plus visionnaire du 21ème siècle. « Il y a trente ans, Jérôme Lindon (ancien directeur des Éditions de Minuit, ndlr) s’est battu pour le prix unique« , rappelle-t-il en référence à la fixation obligatoire par l’éditeur lui-même du prix de vente de ses livres, récemment transposée au livre numérique, qui empêche les libraires de se faire une guerre des prix. « Aujourd’hui je pense qu’il faut se battre pour le lieu unique« , propose-t-il.
Et « le lieu unique c’est la librairie, c’est pas la vente en ligne« .
« La vente en ligne, moi je crois que c’est ça qui va peu à peu détourner le vrai lecteur de son libraire, et donc de la littérature« , dit-il, au moment où Amazon vend désormais plus de livres électroniques que de livres papiers aux Etats-Unis.
En fin d’interview, Jean-Marc Roberts revient à la charge contre Internet, qu’il accuse de capter le temps que passaient autrefois les lecteurs à lire des romans. « Le temps de cerveau disponible est beaucoup moins important, et malheureusement que ce soit pour les radios, pour les éditeurs, pour les libraires, je pense qu’il y a tout un temps consacré à aller sur un blog, choper une info, un scoop, une rumeur qu’on a pas… les gens passent deux à trois heures quotidiennes de leur vie à faire ça et pendant ce temps-là ils ne lisent pas« .
Pire : ils écrivent.
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