Le texte d’ordonnance présenté mercredi matin par Eric Besson en conseil des ministres donnera aux pouvoirs publics la possibilité d’envoyer des messages électroniques pour avertir des « dangers imminents ». Il donne aussi à la police, dans le cadre de missions judiciaires, d’accéder à la liste complète des abonnés d’un opérateur, et prévoit que les autorités pourront brouiller les communications pour faire respecter l’ordre public.

C’est une disposition présente dans l’ordonnance de transposition du Paquet Télécom, dont nous n’avons pas trouvé trace dans les deux directives de 2009 à transposer. L’article 5 du texte présenté ce mercredi matin en conseil des ministres dispose que pouvoir avoir le droit d’exercer sur le territoire français, les opérateurs téléphoniques et fournisseurs d’accès à internet devront désormais assurer « l’acheminement des communications des pouvoirs publics destinées au public pour l’avertir de dangers imminents ou atténuer les effets de catastrophes majeures« .

Les opérateurs mobiles devront ainsi faire suivre les messages de l’administration, dans des cas qui laissent libre place à l’interprétation. Qu’est-ce qu’un « danger imminent » ? La Préfecture de Nantes, qui était intervenue sur Facebook pour dissuader les habitants de se rendre à un nouvel apéro géant, aurait-elle pu utiliser cette disposition, dès lors qu’elle avait estimé que les organisateurs ne présentaient pas « un dispositif offrant des garanties suffisantes pour la sécurité des participants » ? Ou la mesure sera-t-elle réservée aux cas d’extrême nécessité, comme les menaces d’attentats ou les tremblements de terre ?

Dans les dictatures, le même type d’obligations pesant sur les opérateurs peut être redoutable. En Egypte, les autorités militaires avaient envoyé des SMS non signés aux Egyptiens pour leur demander de rejoindre les rangs des forces pro-Moubarak. Le risque n’est évidemment (et fort heureusement) pas le même en France, mais l’article ne pose pas moins question sur l’absence d’encadrement d’une utilisation éventuellement abusive de ce nouveau pouvoir donné à l’Etat.

D’autant qu’un autre article, présent au titre IV de l’ordonnance (dont le rapport nous dit qu’il « comporte des modifications des dispositions législatives (…) à des fins de correction et de clarification »), nous paraît lui aussi présenter un risque de dérive. Il dispose que « les opérateurs de services de communications électroniques sont tenus de permettre l’accès par les autorités judiciaires, les services de la police et de la gendarmerie nationale, les services d’incendie et de secours et les services d’aide médicale d’urgente, agissant dans le cadre de missions judiciaires ou d’interventions de secours, à leurs listes d’abonnés et d’utilisateurs, complète, non expurgée et mise à jour« .

Enfin, si l’ordonnance interdit par principe l’utilisation de « tout dispositif destiné à rendre inopérants des appareils de communications électroniques« , l’article 40 ajoute que « ces activités sont autorisées pour les besoins de l’ordre public« , ce qui est là aussi très vague. Il fait écho aux menaces exprimées en Grande-Bretagne par David Cameron, de couper l’accès aux communications électroniques des émeutiers.

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